• grand moment de solitude171(tome2)

                                                                           Le chapelet

     

             C’était une manie, chez mes parents. Pire, même : un tic. Dès qu’ils avaient un moment libre, ils récitaient le chapelet. A deux voix, s’il vous plaît ; trois quand ils parvenaient à m’entraîner dans la combine. Promenades à pied ou en voiture, piqueniques, soirées au coin du feu, instants de détente et de loisir, étaient systématiquement court-circuités par ces Je vous salue Marie et ces Notre père marmonnés d’un ton monocorde, tels les mantras d’un moulin à prières.

             «  Dire que, pendant ce temps-là, nous pourrions discuter, partager nos points de vue, confronter nos idées »,  regrettais-je souvent. Hélas, mes sollicitations ne faisaient pas le poids face à l’emprise extrême du pieux baragouin.

             Et ça, c’était compter sans les petits pois et les mangetout ! Lorsqu’assises côte à côte, nous épluchions les légumes du repas, nous eussions pu communiquer, maman et moi. Échanger des confidences, évoquer des souvenirs communs, voire même jouer aux devinettes, à Jacques a dit, ou au portrait. Mais que dalle ! À chaque cosse évidée, à chaque haricot équeuté, elle murmurait : «  Ayez pitié de nous, Seigneur », et si je restais muette, un coup de coude bien placé me ramenait illico à de meilleurs sentiments. Ainsi, les litanies religieuses eurent-elle raison de notre hypothétique complicité , renforçant encore, si besoin était, l’incompréhension générationnelle qui nous séparait.

             Parlez-moi, après ça, des bienfaits de la prière !

     

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  • Commentaires

    1
    Marie-DO
    Lundi 26 Janvier 2015 à 21:10

    Eh! oui! ta maman ressemble plus à une bonne soeur qui prie tout le temps , et oubliait qu'elle avait une fille...


    Quand j'ai commencé à travailler à la maison d'enfants St Joseph, en 1972,( Internat privé.)


    j'avais ordre de réciter très fort : le  "je vous salue Marie "en guise de réveil, en ouvrant les grands rideaux...


    Les grandes filles m'ont suppliée d'arrêter ce que j'ai fait réalisant que moi je n'étais pas une none...


    Je ne vous raconte pas les cris de joie d'un dortoir libéré, ce qui m'a valu un contrôle de la mère supérieure.....


    Bizzzzzzzzzz

    2
    Mardi 27 Janvier 2015 à 01:35

    - Ayez pitié de nous, Seigneur, qui équeutons de pauvres haricots sans défense.

    Si vous aviez équeuté le cochon ou dépecé le lapin, la culpabilité aurait tué ta malheureuse mère.

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    3
    Mercredi 28 Janvier 2015 à 15:08

    O SAINT CASTOR, PARDONNEZ-NOUS CETTE CRUELLE ÉQUEUTATION !

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