• grand moment de solitude 39 (tome 2)

                                                        Innocence

     

       Courant soixante-dix, les parents d’Alex décident de quitter un Liban à feu et à sang pour venir nous rejoindre en France. Ils nous chargent de leur trouver un appartement dans le vingtième arrondissement, où mon beau-père a des contacts professionnels.

        Afin de nous acquitter au mieux de cette mission, nous ratissons toutes les agences immobilières de l’Est parisien. Hélas, la réponse est partout la même : rien à louer. Pourtant, ce n’est pas encore la crise du logement !

        Au bout du quinzième refus, Alex explose :

        — C’est quand même incroyable que nous ne puissions même pas trouver un petit deux-pièces pour mes parents, alors qu’il y a plein de logements vides !

        Notre interlocutrice, une dame entre deux âges assez BCBG, lève un sourcil :

        — Ah, c’est pour vos parents ? Pas pour vous ?

        Saisi d’une brusque inspiration, Alex précise :

        — Oui, mon père est kiné ; il va prendre la direction de « Body fun », la salle de sport de la place des Fêtes...

        A-t-il prononcé une formule magique ? Avec un sourire avenant, la dame nous invite à nous asseoir et consulte ses fiches.

     

        Quand nous racontons cette mésaventure à nos voisins de palier — un couple de quinquagénaires assez conventionnels —, ils éclatent de rire.

        — Ça vous étonne ? Vous avez vu votre dégaine ?

        Alex a la barbe et les cheveux longs ; je porte un sari sur mon jean troué, des bagues aux orteils et une tignasse afro.    

        — Avec un look pareil, franchement, vous ne trouvez pas normal de vous faire jeter ?

        Euh... non.

     

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  • Commentaires

    1
    Joëlle
    Jeudi 7 Mai 2015 à 14:51

    J'aime ce non. Il dit tout. 

    2
    Jeudi 7 Mai 2015 à 23:08

    L'histoire ne dit pas si le beau-père était vêtu décemment. Pour ce qu'on en sait, il portait peut-être un bermuda satiné cambouis, et un marcel blanchâtre plein de taches de café. Et pis peut-être un perroquet malpoli sur l'épaule.

    3
    Joëlle
    Vendredi 8 Mai 2015 à 17:11

    T'as pas tort, Castor, t'as raison Tillon.

     

    4
    Vendredi 8 Mai 2015 à 22:24

    Les seules fois où j'ai tort, c'est quand je dis que je n'ai pas raison. Mais ce n'est que de la fausse modestie.

    Joëlle la belle.

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