• grand moment de solitude 2 (tome 2)

                                                 Liberté surveillée

     

        Aubervilliers, 1971. Avec Olivier, âgé de trois ans, nous avions mis au point un jeu très amusant : je m’asseyais sur un banc, dans le square, et il faisait tout seul le tour du « bois » (une pelouse  de quelque vingt mètres carrés, garnie d’arbres et de massifs, auxquels le banc était adossé). Cette formidable aventure lui prenait au moins cinq minutes, car il n’allait pas vite sur ses petites jambes, et se soldait par des éclats de rire lorsqu’il surgissait de l’autre côté.

        Moi, pendant son périple, j’avais le temps de lire une demi page.

        Or, un jour, ma page se termine sans qu’Olivier réapparaisse. Je m’étonne, je l’appelle ; pas de réponse. Je pars à sa recherche ; personne sur le parcours. Affolée, j’interroge les passants.

        — Un petit garçon avec un pull rouge ? demande quelqu’un.

         — Oui, vous l’avez vu ?

         — Une dame l’a emmené.

         Je m’étrangle :

         — Où ça ?

         — Chez les flics, je pense. Elle a cru qu’il était perdu.

         Le commissariat est tout à côté. Hors d’haleine, j’y retrouve Olivier qu’on entend beugler jusque dans la rue. La police m’accueille avec suspicion, en dépit de mon évident soulagement. Voilà la mauvaise mère ! L’abandonneuse d’enfant !

         Je n’ai pu récupérer mon fils qu’après trois quarts d’heure d’interrogatoire et une déposition circonstanciée. La nuit suivante, il a fait des cauchemars. Moi aussi. La dame, en revanche, a sûrement dormi sur ses deux oreilles, avec la bonne conscience du devoir accompli. 

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  • Commentaires

    1
    Luna
    Lundi 9 Février 2015 à 19:11

    Quelle vieille morue suspicieuse, cette madame. Voilà comme on crève dans l'oeuf une vocation d'explorateur.

    2
    Mardi 10 Février 2015 à 01:37

    Ça, c'était pour l'apprentissage. Par la suite, ils lui ont appris à ramener des terroristes au commissariat.

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