• grand moment de solitude 128 (tome2)

                                                                            L’ordinatueur

     

    (Titre emprunté sans vergogne à Christian Grenier qui, je l’espère, ne m’en tiendra pas rigueur.)

     

             Telle que vous me voyez là, mes amis, j’ai tué. Non point le temps, comme on pourrait le croire en lisant mes sornettes, mais une dame virtuelle dont j’avais tout à craindre.

             C’était le début des années 80. J’avais dégoté un boulot de secrétaire chez un gourou brésilien qui organisait, entre Paris et Rio, des stages de méditation transcendantale pour gens de la haute. Je n’étais, bien entendu, pas conviée à ces week-ends, réservés aux stars, chefs d’entreprise, hommes politiques et autres névrosés pétés de thunes (la nièce de Mitterrand, entre autres) qui constituaient son fond de clientèle. Mon rôle consistait à gérer ses fichiers et à décrypter, en prévision d’un futur livre, ses conférences enregistrées sur magnéto.

             Je passais donc huit heures par jour devant son ordinateur, dans son loft de Beaubourg, un sixième étage moquetté de blanc, avec vue imprenable sur le centre Pompidou.

             Or, dans la liste de ses adeptes se trouvait une personne dont le nom me troubla. Elle s’appelait Sylvie Forêt…

              Etait-ce l’atmosphère de l’appartement qui me perturbait ? Mes efforts pour gérer l’outil informatique encore mal maîtrisé ? Ou fus-je soudain victime d’un délire parano ? Je ne saurais le dire, mais toujours est-il que cette créature bucolique se mit à m’obséder de manière insensée. Je pensais à elle nuit et jour, lui inventais mille visages, mille séductions, mille pouvoirs retors.   

             « Si un jour elle croise la route de Sylvain (dont le nom de famille était « Montagne »NDLA), ce sera forcément le coup de foudre », me répétais-je sans cesse.

             Une telle osmose patronymique ne pouvait être gratuite. De toute éternité, les lois de la nature prédestinaient cet homme à cette femme et vice-versa… 

             « OK, mais qu’est-ce que je fais, moi, dans c’t’affaire , hein ? Je me laisse détruire, les doigts dans le nez ? Non mais sans blague…»

            

             Lorsque Sylvie Forêt disparut du fichier, mon soulagement fut tel que j’en pleurai. J’avais supprimé ma rivale, eh oui. D’un simple clic, je l’avais rendue au néant. Plus jamais elle ne recevrait les brochures publicitaires de son gourou, et pour ce qui était des stages exotiques, elle pourrait désormais s’en faire des papillotes.

            

            

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