• FOLLE D'AMOUR

    Chapitre 4

      Résumé des chapitres précédents : Charlie est clown, Nora l’admire, ils s’aiment, ils rient... Que demander de plus à la vie ?

     

             L'âme du lieu, c'est la soupente. Leur théâtre en miniature. Une estrade d'avant la rénovation de l'école, récupérée à la décharge, y tient lieu de scène. Des draps de lit coulissant sur une tringle, de rideau. Là, Charlie répète, improvise, bricole. Nora coud. Défroques et accessoires évoquent, sous le quadrillage de poutres centenaires, la sordide magie des loges de music-hall (sueurs de divas, baume mentholé des danseurs, bandages herniaires d'éternels jeunes premiers... « Les puanteurs mythiques » comme dirait Nora, intoxiquée à tout jamais par une brève expérience de comédienne ambulante). Sur une table surmontée d'un miroir, des pots de maquillage bon marché, quelques plumes, des rubans, une écharpe pailletée. Au portemanteaux, un feutre à large bord garni d'une cascade de roses. Dans un coin, une planche et un fer à repasser. Par terre, un minuscule violon flanqué de son archet, un tambourin crevé, une paire d'échasses à reclouer...

             — Regarde, Nora !

             Assis au clavier d'un piano factice, Charlie mime avec emphase un virtuose en pleine inspiration. Le magnéto passe du Gershwin. Soudain, un petit bonhomme grimpe sur l'instrument et sautille au rythme de la musique. Il a la tête de Charlie mais un corps de trente centimètres de haut. Les mains chaussées de godillots pour figurer les pieds, Charlie exécute pas de deux et entrechats tandis que les bras de la marionnette, inertes mais entraînés par le mouvement, semblent battre la mesure.

             Nora fait basculer sa chaise tant elle se marre.

             — Tu aimes ? s'enquiert Charlie, surgissant hors d'haleine de derrière le piano.

             C'est pure coquetterie de sa part.

             — Renversant ! confirme sa spectatrice, à quatre pattes.

             Il s'accroupit près d'elle, l'embrasse — elle l'a bien mérité ! Ça aussi, c'est joyeux. Comme tout le reste. Chez certains, le désir est grave, presque féroce. La bête en rut gronde, dit-on. Eux s'abattent l'un sur l'autre quand bon leur semble, pour un saute-mouton d'une folle gaieté où même les silences rient.

             — Le premier qui jouit a perdu !

             Leurs mains débordent de caresse. Sur le toit roucoule une colombe — ô la touchante allégorie. Ailleurs, des gens consomment, s'emmerdent et se détruisent. Le coucher de soleil promet d'être beau ; quand l'horizon arbore ce rouge-là, c'est qu'il va battre tous ses records. Charlie et Nora le contempleront par la lucarne, entre deux coups de reins, avec la sensation d'avoir été compris. 

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 11 Février 2013 à 08:27
    Benoît Barvin
    Du descriptif à la Balzac, sans la lourdeur du susdit... des expressions romanesques mignonnes tout plein :"même les silences rient"... des étreintes charnelles subtilement évoquées... Bon, OK, tout ça c'est joli et adorable et plaira aux lectrices et lecteurs Fleur Bleue... Mais il est où le Grand Méchant Loup, hein, il est où?
    2
    Mardi 12 Février 2013 à 02:00
    Castor tillon
    Hoûûû, je sais de quoi tu es capable. Je suis un peu inquiet, quand même. Bon,pour l'instant, y a pas encore de gamine à écorcher.
    3
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:37
    gudule
    Patience, camarade, ce n'est pas pour tout de suite. il s'en faut même de beaucoup ! Comment je vais les faire marner, mes lecteur ! Popopo... Tout ce que j'espère, c'est qu'ils ne se décourageront pas trop, et n'abandonneront pas la lecture de mon blog pour aller s'envoyer des choses plus croustillantes !
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    4
    Nadège
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:37
    Nadège
    C'est vrai que c'est un peu rose bonbon, mais parce que je vous fais confiance, je tiendrais le coup :P
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:37
    gudule
    Ah ben j'espère bien ! Dites-vous que plus c'est idyllique, plus, contraste, la suite vous paraîtra terrible. Mais faut me laisser le temps d'installer le décor, les personnages, et d'amorcer l'intrigue. Sans quoi, c'est pas du jeu !
    6
    Domlunnn
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:37
    Domlunnn
    Ben moi, j'aime ça:) Pas de risque que je remplace ma p'tite lecture gudulesque du matin par aut'chose;)
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:37
    gudule
    OoooOOOoooOh ! Que c'est gentil, Domlunnn ! Tu me fais confiance, alors ?
    8
    Domlunnn
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:37
    Domlunnn
    Pour sûr Gudule, pour sûr;)
    9
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:37
    Pata															l
    Mais c'est qu'ils commencent à vraiment me plaire, ces deux exilés volontaires de la société ! Non, pas trop longs, ces débuts, juste ce qu'il faut pour s'attacher à ces personnages.
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