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FOLLE D'AMOUR
Chapitre 45
Résumé des chapitres précédent : Horreur ! Le téléphone portable de Charlie, après s’être fait oublier quelques temps, vient de se manifester.
Nora a un mouvement de recul. Ça y est, l'étendard sanglant est levé !
— Allo ? s’empresse Charlie. Ah, salut Boris !
Elle saute du tronc, s'éloigne de quelques pas. Non par discrétion, cela va sans dire, mais par pur instinct de conservation.
« Ne sont-ce pas des girolles que j'aperçois, là-bas, au pied de cette souche ? Allons vérifier : Charlie les adore en omelettes et, au moins, je serai hors de portée de sa trahison. »
Quelques minutes passent, au cours desquelles Nora constate que 1) les girolles en question ne sont, en fait, que de vieilles vesses-de-loup à moitié becquetées par les vers 2) l'âme humaine réserve bien des surprises à qui se donne la peine de l'observer. Prenons la sienne, par exemple, déterminée à ignorer l'échange de propos téléphoniques, mais, paradoxalement, l'invitant à tendre l'oreille afin d'en saisir quelques bribes au passage.
Sur un : « Allez, à plus ! », Charlie refourre l'immondice parlant au fond de sa poche et Nora rapplique dare-dare.
— Qu'est-ce qu'il te voulait, l'autre ? (ton détaché)
Bien que le cul entre deux chaises, Charlie cache mal son enthousiasme.
— Il a trouvé un local, décroché des contrats, et les répétitions vont commencer.
— Faut que t'y ailles, alors ?
— Ben... (regard fuyant) ouais...
Nora se mordille les lèvres qui, sous l'agression, resplendissent.
— On part quand ?
Silence embarrassé. Charlie fait craquer ses phalanges.
— Tu tiens absolument à venir ?
Elle ouvre des yeux ronds.
— Pourquoi tu me demandes ça ?
— Je préférerais que tu restes ici : tu vas t'emmerder à mourir en m'attendant.
— Ah parce que, ici, je ne m'emmerderai pas, peut-être ?
— Ce n'est pas pareil : tu as tes bêtes, tes occupations. On va bosser tout le temps, tu comprends ? Je ne serai pratiquement jamais là. Tu t'imagines passant tes journées à Chevaleret, dans vingt-cinq mètres carrés, le bruit des trains et même pas l'eau courante ?
— Au moins, on dormira ensemble.
Une nuit sans lui... elle en frémit ! D'ailleurs, n'est-ce pas réciproque ?
— Si, bien sûr !
— Ah, tu vois, toi non plus, tu ne peux pas te passer de moi. Ma mère me répétait toujours (elle chantonne) : À prendre la route/ sans son casse-croûte/ l'imprévoyant craint /de périr de faim. Te voilà prévenu... Et ne me réponds pas qu'il y a de quoi bouffer sur place, ou je t'arrache les yeux !
Désarmante. Elle est désarmante. Là réside sa force — ou, du moins, ce qui en tient lieu : une sorte d'entêtement puéril contre lequel tout argument sensé se fracasse.
— Après tout, si tu veux venir... C'est ton problème, pas le mien, admet Charlie à regret.
Il s'était juré de ne plus jamais l'embarquer dans cette galère et peste contre sa propre faiblesse. N'est pas tyran qui veut, hélas.
— Alors, on part quand ? insiste-t-elle.
— Le plus tôt possible.
Comme on dit, le sort en est jeté.
(A suivre)
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Commentaires
1Benoît BarvinDimanche 24 Mars 2013 à 11:47Répondre
Mais cette vilaine écrivaine va la faire partir, bien sûr.3guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:364guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:365Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:36
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