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FOLLE D'AMOUR
Chapitre 71
Résumé des chapitre précédents : Ce petit déjeuner en tête à tête avec Lulu n’est pas franchement réjouissant. En un mot comme en cent, la danseuse tire la tronche. « Me fait-on comprendre que je suis de trop ? s'interroge Nora, en proie à une parano galopante. Ou a-t-on simplement des réveils difficiles ? »
Ignorant, volontairement ou non, les questions qu'elle suscite, le zombi femelle se beurre une tartine d'un geste mécanique.
« C'est un robot », pense Nora dans un éclair.
Enfant, elle avait été follement impressionnée par les automates du musée Grévin. Ces dermes glacés, trop lisses, trop jaunes, ces mouvements répétitifs et saccadés.... Une parodie de vie, digne, en somme, de la Germaine — le groin en moins.
Consciencieusement, l'androïde découpe une mouillette, la trempe dans son café. L'absorbe. Lève les paupières. Sous les cils encore gras de rimmel déferle un regard.
« Je me suis trompée, se ravise aussitôt Nora. C'est vivant. Oui, oui, j'en suis certaine. L'œil des poupées est rond comme celui des poissons, pétrifié, grossièrement incrusté dans des orbites sans vibrations. Tandis que là, j'en mettrais ma main à couper, j'ai vu frémir quelque chose. »
— Vous n'avez pas l'air très en forme, risque-t-elle.
L'autre, pas là. À des milliers d'années lumière. Dans une galaxie particulièrement éloignée.
« Voyons, raisonne Nora, chez qui l'inquiétude se mue peu à peu en perplexité, quelle ressemblance y a-t-il entre cette nana et le souvenir que j'en ai gardé ? Pas la moindre, à bien y réfléchir. Il ne s'agit pas de la même personne. Ou alors, ma mémoire me joue des tours. Étais-je donc tellement bourrée, ce jour-là ? J'ai vu — si, si, je le jure ! — une gigantesque merveille, une sculpture d'ébène et de saphir. Je m'en rappelle nettement, elle m'a marquée, pensez ! Cette cascade de reflets si étroite et si longue, et si nue sous ses scintillances de panthère... Et le triangle parfait du visage... Et le dédain, le dédain, j'en grelotte encore. Quand elle marchait, ses talons en lame de couteau semblaient trancher le sol !
« Non, ce n'est pas Lulu Martinez que j'ai devant moi. L'ange a dû changer de compagne, ou recueillir sa vieille mère. Ou héberger une pauvresse, est-ce que je sais ? Les anges, c'est généreux, j'en suis la meilleure preuve. Et moi qui balisais... »
(A suivre)
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Commentaires
1castor tillonLundi 22 Avril 2013 à 03:05Répondre2guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:353Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:35
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