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FOLLE D'AMOUR
Chapitre 74
Résumé des chapitres précédents : Nora nage en pleine confusion. Toutes ses convictions se font la malle. Le Shakespaere (qu’elle prenait pour un théâtre « sérieux ») n’est autre que le Sexe pire, femmes à poil en tout genre, sex-shop, peep-show, films X, tarif de groupe. Et c’est sur cette scène-là que se produisait Lulu...
En Nora, un voile se déchire.
— Lulu est une pute ? s'étrangle-t-elle.
— Tu vois quand tu veux !
— Tu aurais pu me l'avouer tout de suite.
— Ça sautait aux yeux.
— Et toi, t'es son mac ?
— Absolument pas. Je l'ai jamais poussée au turbin, parole d'honneur ! D'ailleurs, elle pratiquait déjà quand je l'ai rencontrée. J'ai été son micheton avant qu'on se mette ensemble.
Nora est atterrée. Des pans sociaux, jusque là cantonnés au cinéma et aux romans, s'effondrent sur elle ; des pensées chaotiques se bousculent dans sa tête.
« Charlie, au secours, j'ai rencontré la pègre ! Je suis cernée par les marchands de chair !
« Ainsi, dans cette bouche — pas si différente de la mienne, après tout —, se perpétraient des abominations. Ainsi, derrière ce fabuleux déguisement — que je prenais pour une tenue de scène, ô gourde —, se planquait un corps mercantile, voué au stupre et à l'outrage. Ces mirobolances n'étaient qu'une vitrine, un étal de boucherie... »
Une sainte colère monte en elle, monte, monte, puis, ayant atteint son paroxysme, se dégonfle sans crier gare. À cause de la robe de chambre rose, maculée de bave.
— Comment est-ce arrivé ?
— Un connard qui a pété les plombs. Je le connaissais bien, pourtant : il était tous les soirs dans la salle. Un nerveux, entre deux âges, avec des tics. J'aurais dû m'en méfier : les tics, ce n'est pas bon signe, mais on se dit toujours ça après. Il la rejoignait sitôt sa prestation finie. Je l'entends encore : « Humilie-moi, maman (maman, il l'appelait), donne-moi la fessée ! Punis-moi ! Fais-moi mal ! » Lulu n'avait rien contre : elle est assez autoritaire de nature. La domination, en plus, c'est de tout repos : y a même pas besoin de se désaper. Deux trois claques bien placées, quelques coups de cravache, une bordée d'injures énergiques et le client décolle. C’est appréciable, après une dure journée...
(A suivre)
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Commentaires
1Benoît BarvinLundi 22 Avril 2013 à 07:52Répondre
Mais celui-là a une empathie et une patience d'ange.
C'est Rafik, c'est Rafik.
Je veux dire c'est angélique.
Notons que le prénom arabe Rafik nimbe son possesseur d'amitié et de zenitude. Le jeu de mots n'est donc pas complètement idiot, pour une fois.3guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:354guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:355Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:35
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