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FOLLE D'AMOUR
Chapitre 77
Résumé des chapitres précédents : Après avoir ouï la tragique aventure de Lulu Martinet, jetée du quatrième étage par un client mal dans sa peau, Nora a grand besoin de prendre l’air.
Effectivement, c'est la grève du métro. Une foule vitupérante se presse le long du quai. Histoire de tuer le temps, Nora s'assied, en spectatrice, sur un banc dédaigné par le peuple en colère.
Après un bon quart d'heure d'attente, une rame arrive enfin. Le flot des usagers la prend d'assaut. Une mêlée indicible s'ensuit. On se tasse, on se bouscule, on s'écrase, on se tape dessus. Les plus forts piétinent les plus faibles. Il y aura sans doute des morts par étouffement.
« Palpitant, apprécie Nora. Et instructif ! Je n'avais encore jamais eu l'occasion d'observer mes semblables. Dans ma campagne, ils sont fort peu nombreux, et d'ailleurs, j'était trop occupée. L'amour, ça capte à cent pour cent. Mais aujourd'hui, tout a changé. Je voyage. J'explore des rives lointaines, peuplées d'indigènes aux mœurs bizarres, et je vais de surprises en étonnements. Ce matin, j'ai eu vent d'un affreux sacrifice rituel — pauvre Lulu, j'en tremble encore ! — et maintenant, j'assiste à des tueries pour la conquête d'une place dans un wagon bondé. Si on m'avait dit, il y a seulement deux jours, que je m'adonnerais à l'anthropologie ! »
La station se vide. Le train a un mal fou à fermer ses portières. Après quatre ou cinq tentatives accompagnées de sonneries persistantes, il finit cependant par y parvenir. Et, ayant largement outrepassé sa capacité d'absorption, démarre, flancs allourdis, vitres opacifiés par les corps entassés.
— Quel calme ! s'étire Nora.
« C'est pourtant vrai qu'il y a des rats sur la voie ! Petits petits petits... Si j'avais su, j'aurais emporté le morceau de tartine que Sylvain a jeté, tout à l'heure, en débarrassant. Demain, c'est ce que je ferai. Oh, celui-là, dressé sur ses pattes arrières, est-il trognon ! Un zoo dans les bas-fonds, après tout, pourquoi pas ? Faut bien que les voyageurs s'occupent ! »
À propos de voyageurs, les voilà qui affluent à nouveau. Nora se cale sur son banc, le spectacle recommence. C'est un film permanent !
« Ces tronches qu'ils tirent ! On les comprend, remarque : combien d'entre eux seront en retard au bureau, rateront leurs rendez-vous, louperont des affaires ? Sans compter qu'en surface, ce n'est guère mieux. Des tas de gens ont pris leurs bagnoles et bonjour les embouteillages ! La merde d'un niveau rejaillit sur l'autre et inversément ; bel exemple de vases communiquants. Le jeu des strates dans la société et leurs multiples interractions est un passionnant sujet d'étude. Je pourrais écrire une thèse là-dessus, si je voulais : suffit de se pencher sur le vivarium et de noter les conclusions qu'il vous inspire. »
(A suivre)
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Commentaires
1TororoJeudi 25 Avril 2013 à 07:57Répondre
Puisqu'on parle de la grande ville, on pourrait croire qu'Urbain l'habite (pardon). Mais pas du tout. J'ai eu maintes fois l'occasion de constater que les petits ratapoils sont bien plus urbains et souriants que nos commensaux, surtout ceux qui se font ensardiner aux heures de pointe. Dans les laboratoires, on devrait remplacer les rats par des métropolitains.4guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:35
@ Tororo : quand je vivais dans le 18ème,j'en voyais tout le temps, même sans tartine. Si, si, je te jure, c'est pas de la frime !5guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:356guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:357Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:35
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