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FOLLE D'AMOUR
Chapitre 90
Résumé des chapitres précédents : Nora taille le bout de gras avec Bobo, le clown de Beaubourg. Il est peut-être minable, mais, finalement, plutôt sympa. Et puis, elle est en pays de connaissance...
Bobo lève les bras au ciel. Les Grumeaux, ça ne compte pas, voyons ! C'est le haut du panier, l'exception qui confirme la règle.
— Ils viennent de débuter, lui rappelle Nora.
— Peut-être, mais ils ont Boris derrière eux... Autant dire le pape ou, je ne sais pas, moi, Johnny Hallyday !
Nora fait la grimace : il lui déplaît que le responsable de ses malheurs soit à ce point porté au pinacle.
— Une enflure majuscule, siffle-t-elle entre ses dents.
— Tu charries, là ! C'est un monstre sacré, ce bonhomme, un Grand Ancien !
— Pfff, sa réputation est vachement surfaite. Toi, par exemple, tu le vaux cent fois...
Sous le compliment, Bobo s'empourpre.
— T'exagères, proteste-t-il mollement.
Le temps de reprendre ses esprits, et il ajoute — avec une conviction à la mesure de l'admiration qu'il croit susciter :
— Que veux-tu, la vie est injuste. Pour un, comme lui, qui sort du lot, t'as dix mille péquenauds tout aussi talentueux mais moins vernis qui crêvent la dalle.
— La seule chose en sa faveur, c'est qu'il a su s'entourer de vrais pros, approuve Nora.
— Tu m'étonnes, des bêtes de scène !
— Surtout un, le grand à moustache.
Mimique stupéfaite de Bobo.
— Un grand à moustache ?
— Ouais, le meilleur des quatre.
— Mais... ils ne sont pas quatre, ils sont trois. Tu dois confondre avec une autre troupe.
Le regard de Nora s'est assombri, d'un coup.
« Pauvre con, pense-t-elle. Crétin de base. Empêcheur de rêver en rond. »
Et, sans un mot d'explication, elle se tire.
— Eeeeh, où tu vas ? la rattrape-t-il. On pourrait peut-être boire un coup ?
Elle se retourne, sourit.
— Si tu me prends par les sentiments... Tu laisses tout ton matos sur place ?
— Les copains surveillent. (À nouveau son air précieux) La solidarité des saltimbanques, ma belle !
Petit gloussement de Nora : il ont bonne mine, les « saltimbanques ». Des traîne-misère, ouais ! Et râleurs, de surcroît.
— C'est quoi, ton vrai nom ? demande-t-elle en chemin.
— Boris.
Nora s'étrangle.
— Tu te fous de moi ?
— Non, parole d'honneur, comme l'autre, mais je l'ai pas fait exprès. Et toi ?
Nora ne répond pas. Une évidence vient de l'assailir : jamais elle ne pourra s'asseoir à la table d'un type qui porte ce nom, c'est viscéral.
Elle regarde sa montre, histoire de se donner une contenance. Feint de sursauter
— Déjà ? Putain, je vais être en retard à mon rencard. Excuse-moi, faut que je me sauve.
— Et mon verre ?
— Une autre fois, allez, bye.
Bobo la regarde s'éloigner clopin-clopant — foutue allumeuse ! — puis crache par terre — foutu goût de benzène ! — et pousse la porte du troquet.
— Remets-moi ça, Marcel, chuis dégoûté.
On le serait à moins.
(A suivre)
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Commentaires
1Benoît BarvinMercredi 8 Mai 2013 à 07:22Répondre4guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:355DomlunnnVendredi 29 Août 2014 à 13:35
Merci Gudule pour cette savoureuse page, encore:)6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:357guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:358Pata lVendredi 29 Août 2014 à 13:35
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