• FOLLE D'AMOUR

    Chapitre 99

    Résumé des chapitres précédents : À défaut de maison, il reste le métro. Au moins, on est au sec.

     

             Station après station, l'engin fend l'espace. Obscurité, lumière, arrêt. Obscurité, lumière, arrêt. Le wagon s'épanche, se remplit, s'épanche.

             «  Quel brassage, pense Nora. On dirait le gigantesque démon de Jérôme Bosch qui avale les damnés par pelletées pour les chier ensuite. Finalement,  que sommes-nous d'autre qu'un transit intestinal, nous, usagers ? C'est réconfortant : la destinée d'une merde me convient tout à fait, j'ai l'état d'esprit pour. »

             Obscurité, lumière, arrêt. Saint-Michel.

             « Tiens ? Je connais cette personne. »

             La personne en question pique-nique dans la station, en compagnie d'un SDF pas mal détérioré.        

             — Bonsoir, Yvette !

             La vieille sourit, la bouche pleine, une coulure grasse au coin des lèvres. Faute de dents, elle tète l'aliment au lieu de le mâcher, ce qui lui donne l'air de sucer un bonbon.

             — Une sardine ? propose-t-elle aimablement.

             Ce n'est pas de refus. Nora plonge le pouce et l'index dans la boîte, en extirpe un filet gluant, l'absorbe d’un coup de langue.

             — Viens là, poulette ! éructe le clodo en tapotant le banc à sa droite.

             — Bas les pattes, le tance Yvette. Fais pas attention à ce prochtron, ajoute-t-elle à l'intention de Nora, il sait pas se tenir. Mais je l'ai à l'œil !

             Elle installe la jeune femme à distance respectable.

             — Je suis pas un pochtron, proteste le clodo, je suis un alcoolique, nuance.

             — Tais-toi et cuve.

             —  Mademoiselle, vous entendez comment elle me cause ? Yvette, t'es vieille, t'es moche, tu pues, et c'est pas toi qui fais la loi ici, c'est l'Homme.

             Il rote, se redresse.

             — Et l'Homme, c'est moi !

             — Mais oui, mais oui, concède Yvette. En attendant, lâche-nous la grappe et va voir ailleurs si j'y suis.

             Elle lui tourne délibérément le dos, pousse les provisions vers son invitée. Outre les sardines, une demi-baguette et un camembert trop fait.

             — Merci, dit Nora en cassant un bout de pain qu'elle trempe dans le mou du fromage.

                                                                                                                                               (A suivre)

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 17 Mai 2013 à 07:15
    Benoît Barvin
    Hum... de bon matin, rien de tel qu'une sardine et du fromage qui pue pour se remettre les idées en place!
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    2
    Vendredi 17 Mai 2013 à 22:02
    Castor tillon
    OUAIIIS !!! Le retour de la Pépette ! La prochaine fois que je la vois dans le tromé, je me fais inviter.
    3
    Samedi 18 Mai 2013 à 16:41
    Castor tillon
    Ce sera avec plaisir. Benoît est un homme au goût très sûr.
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Surtout en bonne compagnie !
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Emmène Benoît avec toi, je crois que le menu lui plaît. Surtout au p'tit déj'.
    6
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    Pata															l
    Le monde est petit, surtout dans ces souterrains !!
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