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FOLLE D'AMOUR
Chapitre 100
Résumé des chapitres précédents : Et dans le métro, qui rencontre-t-on ? Yvette.
— Ça réconforte, hein, une tite croûte, dit la vieille.
Aujourd'hui, elle a particulièrement soigné sa tenue : jupette plissée écossaise et couettes. Des chaussettes à rayures roses et vertes couvrent jusqu'à mi-mollet ses cannes de serin aux gros genoux arthritiques.
Elle se rend compte qu'on la détaille, se rengorge.
— J'ai mis mes beaux habits !
— Je vois, répond Nora.
— Cette toilette, je l'ai achetée en 1962, pour la distribution des prix. À onze ans, il a passé son certificat, mon gamin. Moi, j'avais juste quarante ans. Les parents des meilleurs élèves devaient prendre place sur l'estrade, avec l'adjoint au maire, le directeur et les professeurs. C'était un grand honneur. Tu imagines ma fierté lorsque j'ai reçu la convocation !
— J'imagine, dit Nora.
— Pour fêter dignement la chose, il me fallait des vêtements neufs.
— Bien sûr, approuve Nora.
— Mon fiston adorait Sheila, alors, je me suis habillée comme elle.
— Ah, d'accord, souffle Nora, consternée.
— Je me réjouissais tellement que, pendant deux nuits, je n'ai pas fermé l'œil. Enfin, le jour J est arrivé. J'ai pris place au milieu des notables, et c'est là que la salle a éclaté de rire.
— Ça alors, s'étrangle Nora.
— D'abord, je n'ai pas réalisé que c'était à cause de moi et j'ai ri aussi, pour faire comme tout le monde. Mais quand le directeur m'a sommée de m'en aller sous prétexte que je créais du désordre, j'ai bien senti qu'un truc clochait. J'avais peut-être mon ourlet décousu ou mon jupon qui dépassait ? Je suis sortie sans rien comprendre, humiliée et déçue.
Nora avale dans le vide.
— Mon fils m'a rejointe devant le collège. Il était dans tous ses états et m'a crié qu'il me détestait.
— Mon Dieu !
— C'est à dater de ce jour qu'il a commencé à me faire du mal.
Nora est atterrée mais ne le montre pas. Inutile de jeter de l'huile sur le feu.
— À quoi tient l'amour d'un enfant, soupire la vieille.
Nora a un sourire tremblé.
— Elle est jolie, pourtant, cette jupe, non ? implore la vieille.
— Très.
— Elle m'a valu beaucoup de succès, auprès des hommes. Tiens, en confidence, ce gros, là, qui dort, a été amoureux fou de moi. Encore aujourd'hui, je le mène par le bout du nez.
Plus bas, avec des mines gourmandes :
— Pour soulever le coin de ma robe, il décrocherait la Lune. Ils sont bien tous pareils : montre-leur un bout de cuisse, ils te mangent dans la main.
Sa bouche, ramollie par l'absence de dents, contient mal sa salive.
— C'est vrai, dit Nora. Les hommes, ce sont des porcs.
Elle reprend une sardine.
— Enfin, la plupart.
— Tous ! affirme la vieille.
(A suivre)
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Commentaires
1TororoSamedi 18 Mai 2013 à 07:20Répondre
Il vaut mieux, en effet, que son compagnon se contente d'imaginer les cuisses de Pépette. L'option "de visu" pourrait être un rien démobilisatrice.
Les rencontres Pépette-Nora me mettent toujours dans un état de jubilation indescriptible.
Pour ceux qui aiment le rose et le vert, et les Zézettes qui vivent à Pif-sur-Yvette, vous pouvez aller faire un tour ici :
http://wizzz.telerama.fr/Cucumis
http://www.youtube.com/watch?v=hcbQkL1Kq3k6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:347guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:348guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:349guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:34
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