• FOLLE D'AMOUR

    Chapitre 104

             Yvette, ayant terminé les préparatifs, rejoint son invitée — que, paradoxalement, sa présence réconforte.

             Soudain, un bruit de pas résonne dans les profondeurs du tunnel.

              Ça doit être Florida, devine Yvette. Je te préviens, elle a une sale tronche !

             Venant d'elle, le mot prête à sourire. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

             Quelques secondes plus tard, la nouvelle-venue débouche à l'air libre. La silhouette est belle, l'allure jeune et pulpeuse, le sein arrogant, la croupe altière. Un chapeau, une écharpe, masquent le haut.

             — Salut, lui crie Yvette.

             — Heho !

             Elle s'approche, se découvre. Un crâne sans cheveux apparaît, couturé, bardé de cicatrices. L'écharpe tombe. Vision d'épouvante.

             Le visage n'a plus rien d'humain. Ni nez, ni oreilles. Comme bouche, un trou. Comme joues, un patchworck de chairs mal raboutées, offrant toutes les nuances du rose ardent au blême. Les yeux sans paupières, noirs, d'une profondeur extrême, évoquent à s'y méprendre ceux d'un lapin écorché.

             — Florida, Nora, présente Yvette, très femme du monde.

             Nora avale sa salive, tente de discipliner ses cordes vocales, finit par articuler :

             — Enchantée.

             — Houa auhi, répond Florida.

             — Elle a un léger défaut de prononciation, explique gaiement Yvette, mais on s'y habitue vite.  D'ailleurs, elle ne se vexe pas quand on ne la comprend pas, hein, ma choute ?

             Florida hoche, avec beaucoup de spontanéité, ce qui lui sert de tête.

             — Un p'tit verre ? propose Yvette.

             Florida hoche encore.

             Yvette sert deux gobelets.

             « Faut que j'aie l'air naturelle, se dit Nora. Qu'on ne devine surtout pas ce que j'éprouve. Je dois sourire, parler, être courtoise. Après tout, cette monstruosité n'est que la combinaison chimique de deux matières : la viande et le feu. Quand je prépare un gigot, je ne tombe pas dans les pommes ! »

                                                                                                                                            (A suivre)

             

     
    « FOLLE D'AMOURFOLLE D'AMOUR »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 22 Mai 2013 à 08:04
    Benoît Barvin
    "Après tout, cette monstruosité n'est que la combinaison chimique de deux matières : la viande et le feu. Quand je prépare un gigot, je ne tombe pas dans les pommes !"... Ah, ces formules judicieuses qui tuent... Mais dites-moi, chère soeur, Je nous croyais dans le métro, et nous voilà à la cour des miracles dans "Notre-Dame de Paris"! Je n'ai rien contre, mais si Nora est Esméralda, où est la chèvre?!
    2
    Mercredi 22 Mai 2013 à 08:30
    Benoît Barvin
    Ce récit est donc féministe, vu l'inversion des rôles... Charlie serait la "chèvre" de l'histoire (et non le dindon)?
    3
    Mardi 28 Mai 2013 à 15:46
    Castor tillon
    Tu as déjà rencontré une Florida dans une de tes solitudes, si je me rappelle bien... Dans un train, avec ta fille.
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    4
    Mardi 28 Mai 2013 à 16:40
    Castor tillon
    *o/* Champagne ! Non, pas toi, Florida, t'en as déjà eu.
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Charlie peut-être, vu que sa bien-aimée le fait tourner en bourrique ?
    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Aaaah ! les lecteurs qui savent lire entre les lignes... j'en profite pour t'annoncer, ainsi qu'aux autres habitués de ce blog, que, selon toute probabilité, les GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE SORTIRONT EN DÉCEMBRE CHEZ RIVIÈRE BLANCHE
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    DU CHAMPAGNE POUR ATTISER LA FLAMME DE L'ÉDITION, SCROGNEUGNEU !
    8
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    Pata															l
    ça aussi, c'est un sacré gâchis, un beau visage saccagé... Les humains font de moins bons restes que le gigot..
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :