• FOLLE D'AMOUR

     

    Chapitre112

     

    Résumé des chapitres précédents : Chaude ambiance, dans le club d’Yvette ! Le récit d’Ave Maria récolte un franc succès !

     

        Miss Monde, sanglée dans son tailleur de dentelle, le chapeau crânement incliné sur l'oreille et le mollet tendu sous le bas à couture, se dresse de toute sa hauteur.
        — Je voudrais me reporter quarante ans en arrière, énonce-t-elle de sa voix de baryton. M. et Mme X, mes parents, viennent d'avoir un enfant. Une délicieuse petite fille, avec une mignonne fente toute lisse entre les jambes : moi. Ma naissance est une joie sans pareille pour toute ma famille qui désirait, justement, une fille. Je suis menue et frêle, blonde et bouclée. Je porte des robettes à fleurs et des petits souliers vernis. À douze ans, deux jolis nichons tout neufs pointent sur mon buste, ma taille s'affine, des hanches arrondissent mon bassin fluet. Puis c'est la tache de sang au fond de ma culotte : moment de joie intense. Consécration suprême de mon identité. Je me développe harmonieusement, on me trouve charmante et les premiers garçons commencent à me tourner autour...
        — Encore cette rengaine ? proteste Yvette. Tu nous l'as déjà racontée cent fois ! 
        — C'est toujours pareil, faut varier un peu ! renchérit Ave Maria.
        — On en a harre de hon hishoihe : on la honnait har hœur !
        Miss Monde, un instant décontenancée, prend son visage des mauvais jours. Elle est aussi soupe au lait que forte en gueule. On l'agresse, elle riposte. On bafoue ses pulsions les plus intimes, elle casse tout, c'est mathématique. Mathématiquement, donc, elle s'emporte, tape du pied, défonce la caisse, tombe dans le trou. Et file son bas, ce qui la fait beugler de plus belle.
        Les autres rigolent.
        Seule Nora, sensible par nature au désarroi d'autrui, vole à son secours.
        — Moi, je ne la connais pas, votre histoire, et je veux bien l'écouter, assure-t-elle. Je suis même très impatiente de savoir la suite !
        Tout en parlant, elle retire les copeaux de bois fichés dans l'énorme mollet, imprègne la maille de salive afin de limiter les dégâts (un petit truc de femme que lui a transmis sa mère et dont miss Monde, toujours à l'affût de réflexes identitaires, prend bonne note malgré sa fureur), puis, impavide, affronte l'assemblée:
        — Je propose que miss Monde reprenne son récit, afin que...
        — Pas question ! l'interrompt Yvette. Il est bien stipulé dans les statuts du club que l'histoire doit changer CHAQUE FOIS. Nous sommes des révisionnistes ACTIVES !

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 12 Juin 2013 à 23:38
    Castor tillon
    Fait chier, Yvette. Elle connaît l'histoire, elle. Mais nous, les fidèles lecteurs, on n'a pas le droit de savoir ?
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    2
    Vendredi 14 Juin 2013 à 05:51
    Tororo
    Je sais ce qu'on va faire! On va dire à Gudule de souffler à Miss Monde des idées comme elle en a plein son sac: rajouter à son histoire déjà bien rodée des morts-vivants, des cannibales, des mutants, des vampires, des sérial killers qui seraient tous moins malins que la petite fille prodige et qu'elle leur latterait la gueule, même qu'à la fin elle serait élue Miss Monde Détective. Tonnerre d'applaudissements.
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