• FOLLE D'AMOUR

    Chapitre 117  

     

    — T'as un endroit où dormir ? s'inquiète Yvette, qui a récupéré Benjamin au passage.
        Nora, à qui s'adressait cette question, hésite. En un flash, elle visualise le couple endormi, pépète et pochard sur Dieu sait quelle paillasse, marinant dans des relents vineux.
        Il ne pleut plus, la nuit est clémente, le ciel dégagé. Dans son harem d'étoiles, la lune fait la roue. Pourquoi s'empuantir ?
        — Pas de problème, sourit-elle.
        Les cinq femmes se dit au revoir, bisou ma chérie, au mois prochain, faut que je rentre en banlieue et, à pince, j'en ai pour deux plombes. Nora, ce fut un grand plaisir. Si t'as besoin d'un coup de pouce, on est là, demande nos adresses à Yvette.
        — On h'emhrasse ? revendique Florida.
        Allez, on s'embrasse. Surmontant les remous qui lui soulèvent la tripe, Nora effleure l'écharpe des lèvres. Sacré steack trop cuit, va, t'as drôlement besoin de mamours !
        Elles s'éparpillent tous azimuts. On ne voit déjà plus, quai des Grands-Augustins, qu'une silhouette accorte surmontée d'un chapeau, et, vers Notre-Dame, une grosse religieuse qui se hâte. En direction du Luxembourg, un fort des Halles perché sur des talons aiguilles et, remontant jusqu'à Saint-Germain, une petite vieille en minijupe qui houspille un ivrogne.
        Nora, assise sur son sac au pied de la fontaine, les regarde s'éloigner, disparaître, puis se demande : qu'est-ce que je fais ? Les rares passant lorgnent vers elle : la grande bouche écarlate et la crinière d'ébène ne manquent pas d'attraits, pour qui s'en tient aux apparences. De la femelle en bonne et due forme, désœuvrée, disponible peut-être. Peut-être même en manque ! Bref, un trou à combler. À certaines heures de la nuit, une homme sur deux est un terrassier en puissance.
        Un souffle précipité à portée de son oreille tire Nora de sa torpeur.
        — Vous attendez quelqu'un ? Me voici.
        — Va te faire ! aboie-t-elle.
        Elle saute sur ses pieds, jette son sac sur l'épaule et se dirige vers la Seine à grandes enjambées.

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 21 Juin 2013 à 02:40
    Tororo
    Joli instantané nocturne, avec talons dont le claquement s'éloigne sur les pavés: on s'y croirait, sur ce quai des Grands-Augustins.
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    2
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Boah... un truc de vieux parisiens, ça...
    3
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    Pata															l
    Bien vu, le portrait de la femme, dans la rue et le rut !
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