• FOLLE D'AMOUR

    Chapitre 121

     

    Résumé des chapitres précédents : Le numéro de Bobo se termine. Nora, qui se sent concernée, lui tend la main et l’entraîne, sans un mot.

     

     

             Rue Saint-Martin. Nora presse le pas. Bobo suit, sans poser de question. Châtelet. La Seine. Ils descendent sur les berges.

             En contrebas, un petit square. Ils s'y abattent. S'étreignent en silence.

             Charlie. Le ciel des îles s'entrouvre pour nous, sa chaleur me pénêtre. Chamboule-moi, mon amour. Je veux me fondre dans tes ardeurs, m'anéantir sous ta caresse. Que mon ventre explose, que mille soleils s'en échappent et qu'ils incendient l'univers.

             — Ne m'embrasse pas, s'il te plaît, ça sent, murmure Nora, en ruant sous son partenaire.

             Les premiers rayons de l'aube la réveillent. Son pull est trempé, elle claque des dents. Bobo, en revanche, dort comme un bébé. En coutumier de la belle étoile, il ne craint pas l'humidité.

             « Qu'est-ce que je fous là ? » se demande-t-elle.

             Les mirages de la nuit estompés, ses terreurs également, tout ceci lui paraît ridicule et abject.

             « C'est moi, moi qui ai baisé dans ce jardinet sordide, parmi les papiers gras et les crottes de chiens ? Avec ce traîne-savates rencontré dans la rue, qui shlingue à assommer un bœuf ? Charlie, où sont nos clairs de lune, nos aurores boréales, le poney dans le pré, la rosée étincelante ? Nos débordements, nos apothéoses ? Où ai-je été me perdre, Charlie ? Celui-là, cet inconnu, j'ai cru que c'était toi, l'espace d'un orgasme. Cru de toutes mes forces, la foi du charbonnier. Mais la désillusion est dure. Tomber d'un septième ciel de pacotille, c'est pire que d'un septième étage. Sans doute ne m'en relèverai-je pas. »

             Un soupir. Bobo, gêné par la lumière naissante, se tourne sur le ventre. En dépit de son dégoût d’elle-même, Nora éprouve comme un attendrissement.  

             « Adieu, l'ami, je me casse. Merci pour cette nuit. J'ai eu quelques moments très doux, c'est le privilège du leurre. Mais le matin a braqué ses projecteurs sur nous, et le spectacle est peu ragoûtant. Gerber ne serait pas un luxe. »

             Elle fouille dans ses poches, en sort un billet de dix euros, le glisse dans la main du clown endormi.

             « Paraît qu'avec une pute, ce n'est pas tromper sa femme : l'aspect financier désamorce le sortilège. Ce concept me convient à merveille. Offre-toi un restau en souvenir, pépère. Ton bouche-à-bouche m'a évité le pire malgré son odeur de gazoil. Que ce modeste don te prouve ma reconnaissance. C'est la moitié de ma fortune, fifti-fifti quand on n'a rien, j'estime que ton honneur est sauf. »

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 27 Juin 2013 à 08:24
    Benoît Barvin
    Avec Nora, ce n'est pas l'amour dans un wagon-lit mais dans un square paumé... Ceci dit, la séquence est délicieusement tendre, merci Chère Soeur, heureux de vous retrouver...
    2
    Jeudi 27 Juin 2013 à 09:43
    Castor tillon
    L'un a le feu au bec, l'autre l'a au cul. Ça ne pouvait pas coller. Nora a fait un sacrifice terrible et émouvant.
    3
    Vendredi 28 Juin 2013 à 11:05
    Tororo
    Oh, c'est terriblement terrible.
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Houuu... pour comprendre le fin mot de l'histoire, faudrait en causer directement avec Nora, Castor ! Parce que ces histoires de flammes et de brasier, c'est jamais simple, hein !
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Moi aussi, cher frère ! et merci d'avoir lu la tendresse en filigrane de cette affaire...
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    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    @Castor : sacrifice ou acte de survie mutuel ?
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Perso, je pencherai pour la seconde option, mais je suis une indécrottable romantique !
    8
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    gudule
    Tu m'as retiré les mots de la bouche !
    9
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:34
    Pata															l
    Eh oui, la petite mort est parfois pire que la grande... Sans doute parce qu'on en revient.
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