• FOLLE D'AMOUR

    Chapitre 123

     



    Résumé des chapitres précédents : Les Grumeaux passent au Cirque d’Hiver, mais Nora n’a pas de quoi payer sa place. La caissière, qui a pitié d’elle, lui propose d’appeler Charlie pour qu’il la fasse entrer gratuitement. Transie d’effroi, elle dit oui.
     
        — Dis donc, coco, tu peux me trouver les Grumeaux ? Y a quelqu'un pour Charlie à la caisse.
        Cette simple phrase suffit, à tirer Nora de sa torpeur.
        « Mais qu'est-ce qui me prend? J'ai perdu la boule ou quoi ? » 
        — Laissez, crie-t-elle, ce n'est pas la peine, j'ai autre chose à faire.
        Et elle file à l'anglaise.
        — Qu'est-ce qu'il y a comme resquilleurs, en ce moment, soupire la caissière.
        « Le voir. Le voir ne serait-ce qu'une fraction de seconde, mais que lui, surtout, n'en sache rien. L'observer à travers un miroir sans tain, ou la tête levée vers les tréteaux, lui sous les projecteurs et moi dans l'ombre. Quand j'étais petite, à la procession, le curé  trimbalait Dieu dans un ciboire d'or. Et quand il passait, on baissait la tête. Si on l'avait relevée intempestivement, sûr, les divins rayonnements nous auraient aveuglés. Alors, on fixait nos chaussures, le cœur battant, pétris d'une bonne humilité jouissive. Par après, en athée convaincue, j'ai craché sur ce rituel. Mais vu les circonstances, j'aimerais assez le remettre au goût du jour. À condition, bien sûr, que Charlie remplace Dieu. Moi, à genoux parmi les fidèles, lui, auréolé de gloire, surplombant ces nuques, dont la mienne, inclinées. Oui, franchement, ça me botterait... »
        Une sonnerie, venue de l’intérieur du théâtre, interrompt les pensées de Nora.
        « Le rideau va s'ouvrir, réalise-t-elle. Heureux spectateurs ! Charlie est peut-être à l'avant-plan. Ou dans les coulisses. Ou dans la salle, déguisé en n'importe qui, pour un de ces dialogues truqués dont les clowns ont le secret. Comment l'ont-ils intégré au spectacle ? Avec ou sans Germaine ? Rôle important ou secondaire ? Une petit séquence intercalée entre les leurs ou une longue intervention en parallèle, tu fais ton numéro, nous le nôtre et le spectateur se débrouille ? »
        Sur la place déserte, elle tape des talons.
        «  Si j'allais m'acheter des cigarettes ? Je ne suis pas fumeuse mais, dans ma situation, ouvrir le paquet, en tirer une clope, la mettre dans ma bouche, gratter l'allumette, enflammer le tabac, tirer une bouffée, souffler la fumée et recommencer, me serait d'un grand réconfort. Certains gestes rendent l'attente moins sinistres, surtout lorsqu'on n'espère rien. Les spectateurs rient, je les entends d'ici. Que leur montres-tu, mon amour ? Germaines et ses hideurs ? Jongles-tu avec des œufs ? Joues-tu Plaisir d'amour  sur le petit violon ? Et le poney, le poney, dis, lui as-tu appris à faire des claquettes ? 
        « Tu es là, Charlie, à quelques mètres de moi. Tu t'exhibes. La salle pouffe. Et moi, je tourne en rond sous les platanes — les trois pauvre platanes urbains qui n'ont d'arbres que le nom. J'ai froid. Je voudrais m'asseoir. Avec huit euros soixante-dix, l'accès aux théâtres m'est interdit, mais ai-je encore droit aux troquets ? »
        Elle a. Bénis soient-ils.
        « Lequel vais-je choisir ? » 
        Le Bar du Cirque, placé juste en face de l’entrée principale. D'ici, peut-être pourra-t-elle apercevoir les clowns, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, au moment où ils s'en iront ? 
        — Un café, s'il vous plaît.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 29 Juin 2013 à 13:39
    Tororo
    C'est drôle, il y a quelques mois à peine je suis passé à côté du Cirque d'hiver et je suis entré dans un bistro, je n'ai pas fait attention à son nom, mais c'était juste à côté alors c'était peut-être celui-là. Nora, dis au barman que c'est le monsieur au fond de la salle qui paie le café.
    2
    Samedi 29 Juin 2013 à 16:39
    benoît barvin
    J'ai vu, il y a quelques semaines, "Le Cirque de Montréal" (Montréal en Lozère, je suppose), petit cirque miteux comme on les aime, avec deux familles d'enfants de la balle... chacun exécutant - c'est le mot - des numéros mal maîtrisés. J'ai eu une pensée pour Nora et une tendresse particulière m'a saisi et m'a alors fait applaudir à tout rompre... Chère Soeur, voyez où va l'affection de vos fans!
    3
    Mélanie
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:33
    Mélanie
    J'ai failli te perdre, Gudule, vilain facebook ! Alors je me suis replongée dans 10 episodes de ton récit. Je mets de ce pas le blog en raccourci, je suis tellement tête-en-l'air...
    4
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:33
    gudule
    Pfff, tout merde ! Et t'as vu ce temps ? Scrogneugneu !
    5
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:33
    gudule
    Hi hi !
    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:33
    gudule
    Si elle avait dit "C'est monsieur Tororo", ça n'aurait pas fait sérieux !
    7
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:33
    gudule
    Oh, Benoît, je suis tout attendrie ! J'ai h^te que tu lises "Le petit cirque" qui sortira vers décembre aux éditions de l'Armada, avec une sublissime couverture de Philippe Caza.
    8
    Pata l
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:33
    Pata															l
    PMasochiste petiote Mona, qui s'inflige, à elle comme à lui, de bien triste souffrances!
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