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CONTES À VOMIR DEBOUT
Mes amies, mes amis,
J'ai bien peur de ne plus avoir de Solitudes à vous offrir. J'ai beau me creuser la cervelle, interroger mes souvenirs, presser ma mémoire comme une vieille éponge et chatouiller mes neurones un à un, je n'en trouve plus la moindre trace. Mais comme notre rendez-vous quotidien me tient à cœur, je vous propose une série de contes, parus dans diverses revues au cours des années 80 (Fluide glacial, Psikopat, Hebdogiciel, Charlie hebdo, etc). Ils sont légèrement décalés, ont un petit parfum vieillot et sont le fidèle reflet de mes préoccupations de l'époque. Je réclame donc toute votre indulgence pour ces petites antiquités. Merci.
La secte
Vingt-deux heures trente. Faiblement éclairée par le halo d’un réverbère, la rue se tapit, menaçante, entre les façades aveugles des immeubles. Les porches semblent des bouches d’ombre, prêtes à avaler l’imprudent promeneur. Quelque part, dans la nuit, un cri strident s’élève. Des pas précipités martèlent le trottoir, puis le silence retombe.
C'est l'heure où ils sévissent. Où, fugacement, ils perpètrent leur crime. Et je suis l’un d’eux.
En grinçant, une porte s'ouvre, livrant passage à une double silhouette. Regard furtif à droite, à gauche ; la voie est libre. L'être, précédé de sa protubérance, s'aventure au dehors, scrutant d’un œil méfiant la pénombre urbaine. Non loin, un de ses congénères rôde pareillement. Un mystérieux signal les attire l'un vers l'autre. Selon un immuable cérémonial, les protubérances, reliées par un tentacule à l'organisme nourricier, se rejoignent, fusionnent brièvement, puis chacun continue sa route. Le forfait rituel est encore à commettre, et l’heure tourne.
Je fais depuis peu partie de cette secte. Révulsée durant nombre d'années par les exactions de ces parias, j'ai fini malgré moi par être contaminée, et mon destin a basculé. Victime du pouvoir de la protubérance, j'ai suivi leur cortège avec une fascination mêlée d’horreur.
À présent, chaque soir, drapée dans ma honte, je m'adonne à leurs ignobles pratiques. Puis, lorsque tout est consommé, je rentre chez moi. Je remonte dans mon deux-pièces cuisine, je retire mon manteau sombre, je détache la laisse de mon chien. Et avec soulagement, je me dis, comme des milliers de mes semblables au même moment :
« Ouf, Mirza a chié, je suis peinarde jusqu'à demain. »
Dans la ville endormie, la secte-des-promeneurs-de-chien-après-le-film-télé s'est retirée, abandonnant derrière elle, telles les alluvions d'un fleuve maléfique, des monceaux de crottes pâteuses. Une odeur nauséabonde flotte dans l’air. Demain, les passants s'englueront les semelles en râlant, mais qu'importe ? Rien, jamais, ne nous arrêtera. Nous sommes la secte la plus puissante du monde, et chaque nuit, quoiqu'il arrive, nous renouvellerons notre action. Jusqu'à ce que les villes disparaissent sous les matière fécales, comme Pompéi sous la lave de l’Etna. Ou que le gouvernement se décide enfin à installer des sanisettes pour nos petits compagnons à quatre pattes.
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Commentaires
1Benoît BarvinSamedi 22 Décembre 2012 à 08:24Répondre
Merci Gudule de maintenir notre rendez-vous quotidien, je suis sûr que d'autres moments de solitude de reviendront.
Bon, d'un autre côté, avec 254 gaffes, tu arrives pile derrière Gaston, c'est un podium époustouflant. C'était une période bénie, et j'attends le bouquin qui fera partie de mon vademecum.
J'ai fait partie de la secte aussi, et c'est nous qui aurions mérité d'aller à Bugarach pour être sauvés. Cette nouvelle série est craquante, j'aime beaucoup.6guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:397guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:398EmmanuelleVendredi 29 Août 2014 à 13:39
Pas grave, les histoires de vomi c'est bien aussi, merci pour tout ! Emmanuelle9guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:3910guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:3911guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:3912MyhahouVendredi 29 Août 2014 à 13:3913logarithmeVendredi 29 Août 2014 à 13:39
la fille de mon compagnon commençant à savoir lire je me mis à fouiller parmi les livres de mon enfance, que j'avais mis de côté étant incapable de m'en séparer, pour lui faire découvrir le plaisir de la lecture. (oui c'est tôt et je m'emballe mais j'ai hâte de les partager avec elle). Et J'ai retrouvé "les contes et légendes de la peur" écrit par vous. Donc je tenais à vous dire merci! Merci pour ce livre (et ce blog)que j'ai lu, relu et rerelu avec plaisir même après avoir quitté le monde de l'enfance.14guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:3915eole lVendredi 29 Août 2014 à 13:39
c'était un chouette rendez-vous.
la perspective de l'édition du livre est une consolation - et une super idée.
merci encore et bonnes fêtes !16OdomarVendredi 29 Août 2014 à 13:39
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