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CONTES À VOMIR DEBOUT 5
Kiki
On a commencé par le faire couper. Tous les vétérinaires vous le diront : qui aime bien châtre bien. La reproduction, faut laisser ça aux éleveurs. Un chien en possession de ses coucougnettes est neuf fois sur dix une pauvre bête mal soignée, victime de l’inconscience d'un maître irresponsable. C'est écrit dans les magazines pour amis des animaux.
Nous, Kiki, on y tenait comme à la prunelle de nos yeux : il nous avait coûté la peau des fesses. Forcément, Jeanine voulait un pure race. Son pedigree trônait dans le salon, au-dessus de la télé, à côté du certificat d'études de Jean-Marc.
Au début, tout allait bien. Les gosses en raffolaient, ma femme le chouchoutait, et moi je lui apprenais à faire le beau. Le seul problème, c’étaient ses aboiements. Ils nous énervaient tellement qu'on a failli s'en séparer. Plutôt que d’en arriver à cette extrémité, le véto nous a conseillé l’ablation des corde vocales. L’opération n'était pas donnée, mais quand on aime, on ne compte pas.
Nous commencions tout juste à jouir de son silence quand un autre problème a surgi. Lorsqu'on n'a pas de jardin, les promenades hygiéniques s’avèrent indispensables. Les premiers temps, les gosses se disputaient pour le sortir, mais bien vite, c'est devenu une véritable corvée. Et les pipis se sont multipliés sur la moquette...
Cette situation ne pouvait pas durer : Jeanine frisait la dépression nerveuse.
Vous connaissez les laboratoires « Jolitoutou » (mais si, vous savez, ces excellents produits qu'on ne trouve qu'en pharmacie) ? Ils ont mis au point une pilule qui contient tous les éléments nutritifs indispensables à la santé du chien. Grâce à cette merveille, la petite bête n'a plus besoin ni de manger ni de boire. Son système digestif s’atrophie et, en conséquence, elle ne chie et ne pisse plus Un progrès appréciable, surtout pour les habitants des grandes villes. Bien sûr, ce n'est pas très économique, mais le confort qui en résulte justifie largement le sacrifice, vous pouvez me croire !
Kiki était devenu un chien presque parfait. Une seule chose nous dérangeait encore, mais on y a vite remédié. Il avait une fâcheuse tendance à nous sauter dans les jambes à des moments inopportuns. Par bonheur — nouveau miracle de la Recherche — il existe un remède à cet inconvénient. Tous les trois mois, le vétérinaire fait à Kiki une petite piqûre qui le paralyse du bout du museau à la pointe de la queue. C'est pour ça que vous le voyez immobile sur la cheminée. On peut même choisir sa position. Nous, on l'a fait mettre à l'arrêt, la truffe pointée, la patte levée, comme un vrai limier. Sympa, non ?
Comment ? Que dites-vous ? Autant avoir un animal empaillé ? Ça va pas, la tête ? Vous voudriez que je mette un cadavre chez moi ?
Sachez, mon vieux, que rien n'est comparable à la vie. La vie, ce miracle sublime… Touchez-le, ce chien, il est chaud. Son poil est soyeux, dans ses veines coule un sang bien rouge, son petit cœur bat. Et vous osez me comparer ça à la froide rigidité d'une bête morte ?
Et puis, ses yeux, regardez ses yeux ! Ils nous suivent, ils sont remplis d'amour. Chaque fois que je les regarde, j'en ai les larmes qui montent.
Franchement, les animaux sont vraiment une grande source de joie, pour qui sait les aimer, hein, mon Kiki !
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Commentaires
1Benoît BarvinDimanche 30 Décembre 2012 à 08:26Répondre
Ton copain artisse, je suis sûr qu'il prenait sa bite avec lui, quelle que soit la réponse de sa femme. Pff, que de la gueule.3guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:394guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:395NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:396guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:397NadegeVendredi 29 Août 2014 à 13:398guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:39
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