• CONTES À VOMIR DEBOUT 4

        Strip-tease  

                Vraiment, Miss Dorothy a une patience d'ange. Pas facile, avec un physique de poupée Barbie, d’enseigner l’anglais dans un bahut craignos !

                Huit jours après la rentrée, elle a déjà dû se coltiner les grossièretés d'une quinzaine de niktamères, moult branlettes sous les tables et d'incessants chahuts à connotation sexuelle. Moi qui suis plutôt bon élève, épargné par les chatouillis hormonaux et les curiosités malsaines, je la plains de tout mon cœur.

                Ce matin, c'est encore pire que d'habitude. Malik, déchaîné, martèle son bureau à coups de règle en hurlant « À poil ! ». Cédric et Yoyo dessinent des bites au tableau pendant qu’Adrien-Charles mime un coït obscène. Quant à Marcel et Jean-Louis, ils font mine de se sodomiser en poussant des cris d'animaux en rut.

                Miss Dorothy a beau s’égosiller, promettre des colles et des punitions, rien n’y fait. Alors, de guerre lasse, elle change de tactique. Posément, elle retire ses lunettes, puis déboutonne son chemisier, révélant la dentelle de son soutif à balconnet.

             Silence instantané. Les élèves n’en croient pas leur yeux. Médusés, ils se rasseyent à leur place. Malik, la bouche ouverte, laisse un filet de bave souiller le coin de ses lèvres. Yoyo a le souffle court, Cédric se ronge les ongles, Mourad se tortille comme un ver, Victor se gratte frénétiquement les couilles.

                La prof, imperturbable, baisse son pantalon sur un string couronné de poils follets.

                Des grognements bestiaux s'échappent de plusieurs gosiers. Un ventre gargouille — celui d’Adrien-Charles, je crois. Quelqu’un pète sans que personne ne rigole.

                D'un geste vif, Dorothy détache son soutien-gorge, libérant des seins lourds aux aréoles dressées.

             — Aaaaargh... gémit Yoyo en éjaculant dans son froc.

                La voici nue, face à la classe tétanisée. Elle sourit puis, voluptueusement, soulève sa chevelure. Ce mouvement lascif fait tomber sa perruque, dévoilant un crâne chauve. Un frisson glacé secoue les élèves, et leur extase se mue en épouvante quand la jeune femme, d'un geste gracieux, retire son masque.

                Dessous, ce n'est qu'une bouillie de chairs tuméfiées, gluantes, pustuleuses. Encavés au fond des orbites, deux globes oculaires veinés de rouge font des clins d'œil coquin aux spectateurs. Mourad s'évanouit, Cédric appelle sa mère, Adrien-Charles éclate en sanglots convulsifs. Jean-Louis et Marcel se serrent l'un contre l'autre en claquant des dents.

                Mais le strip-tease de la prof est loin d’être terminé. C'est dans le dos que se trouve la fermeture Éclair. Sitôt détachée, la peau satinée s'affaisse, comme un vêtement qu'on retire. Dans des relents d’égoût apparaît un magma d’organes sanguinolents.

                Moi qui garde la tête froide en toute circonstance, j'ose alors lever le doigt pour implorer, au nom de mes camarades :

             — S'il vous plait, m‘dame, rhabillez-vous. 

             — D’accord, à condition que vous vous teniez tranquilles pendant mon cours.

                Ceux qui arrivent encore à parler promettent. Les autres, occupés à vomir, se contentent d'approuver par gestes.

     

                Depuis l’explosion de la centale de Nogent, ce genre de scène se produit souvent, dans les lycées de la région parisienne. Normal : chaque établissement a l’obligation, sous peine  d’amende, d’embaucher un quota d’irradiés. Chez nous, le prof de français est gangréné jusqu'à la moëlle et celui de maths porte, en guise de main droite, une prothèse pourvue de lames de couteaux. Mais la prof d’anglais, elle, a l’air normale. Enfin, avait l’air, avant. Les corps synthétique sont tellement réussis, de nos jours...

                En tout cas, cette affaire a transformé la classe. Désormais, il suffit que Dorothy fasse mine de se désaper pour que les pires racailles se tiennent à carreau. Et, selon les sondages, c’est pareil partout. Grâce à cette nouvelle méthode pédagogique, les problèmes de délinquance, si préoccupants il y a quelques années, ont bel et bien été éradiqués.

             Et dire qu’il y a encore des cons pour oser critiquer le nucléaire ! 

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 08:30
    Benoît Barvin
    Chapeau bas, Chère Soeur. Comme d'autres lectrices et lecteur, j'en suis sûr, j'ai été roulé dans la farine par la fin de votre nouvelle que je n'avais pas devinée! Et dire que vous osez prétendre ne pas aimer la SF.... Ici, elle est en lien direct avec une prospective qui n'est pas si éloignée d'une future réalité. Je m'incline et vous baise les pieds...
    2
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 17:30
    Tororo
    C'est la fête aujourd'hui! Pour le même prix on a droit à un Gudule totalement Gudule, un Poe super Poe et un Allais complètement Allais... on avait eu une grosse frayeur en apprenant la fin des MDS, mais maintenant on est rassurés: quelle bonne idée que ces Contes à vomir debout qui suscitent une aussi saine émulation!
    3
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 19:25
    Castor tillon
    J'ai des amies profs qui ont des problèmes avec leurs élèves, je vais leur conseiller un stage intensif à Fukushima. L'investissement est un peu cher, mais ça vaut le coup, rien que pour voir la tronche de leurs vauriens.
    J'adore ce genre d'histoires, c'est un peu comme dans le film "Faculty", tiens.
    4
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 20:34
    Castor tillon
    T'ons raté queuque chôse. Un Robert Rodriguez, en plus, plein d'humour et tout, avec Salma Hayek et la très jolie Jordana Brewster. Si tu veux, je te le passe.
    5
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 21:34
    Castor tillon
    Non, en fait, c'est Famke Janssen, qui a le rôle d'une jolie prof timorée, et d'un seul coup, à l'ahurissement général, se lâche, traite son cancre de trou du cul, et menace de lui botter le postérieur jusqu'à ce que ses doigts de pieds ressortent par la bouche !
    Salma Hayek, c'est l'infirmière qui... Mais je n'en dis pas plus.
    6
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    Oh, merci, merci, je n'en attendais pas tant... Une petite anecdote rigolote : quand cette nouvelle est parue dans la revue Psikopat, il y a une bonne vingtaine d'années, un rapeur (dont j'ai complètement oublié le nom) avait demandé l'autorisation de la mettre en musique. Chose que j'avais acceptée, bien entendu. Mais je ne sais pas trop ce qu'il est advenu de ce projet, car je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles. Non non, ce n'était pas Doc Gynéco (ce qui eut été une bonne chute, je trouve. Mais la réalité n'est pas top, pour les chutes... sauf celles de vélo !)
    7
    logarithme
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    logarithme
    excellent! effectivement je ne m'attendais pas du tout à cette chute!
    8
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    J'en suis ravie ! C'est le propre d'une nouvelle, de surprendre par sa chute, non ?
    9
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    Odomar
    C'est du Poe en plus hard !

    Te souviens-tu de cette nouvelle où un vieux soldat se déshabille avant de se coucher, ôte une jambe de bois, un oeil de verre, etc. etc. jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un magma informe...
    10
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    Odomar
    Ma mémoire n'était pas parfaite, mais il y a de ça : "L'homme usé" :

    http://fr.wikisource.org/wiki/Contes_inédits_(Poe)/Un_homme_usé
    11
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    Sapristi, quel régal ! Je ne connaissais pas cette nouvelle de Poe (mais je la conseille à tous ceux qui lisent ce blog !). L'originalité vient de ce que le sujet est un homme, bien sûr. Nous avons tous joué à dépouiller une jolie fille de sa perruque, son oeil de verre, son dentier, ses faux seins, etc. Mais le faire avec un général ! Et ce cette façon solennelle ! J'adore.
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    12
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    Odomar
    Dans le registre humour noir, il y a aussi la nouvelle d'Alphonse Allais sur la bayadère qui fait un strip-tease au sultan. A chaque vêtement qu'elle enlève, il rugit "Encore!". Quand elle est toute nue, pareil : "Encore!" Et les soldats disciplinés écorchent la pauvre fille...
    13
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    Celle-là non plus, je ne la connais pas, mais ton résumé est déjà hilarant.
    14
    Odomar
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    Odomar
    Je l'ai retrouvée, ça s'appelle "Le rajah s'embête", tu peux la lire là :
    http://laconnectrice.wordpress.com/tag/le-rajah-sembete-alphonse-allais-1886-bayadere/
    15
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    Oh, l'atroce historiette ! Et quelle langue ! Merci, m'sieur Odomar pour ces deux découvertes !
    16
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    Tu as vu ça ? Je me suis régalée, moi aussi. Ça vaut vraiment la peine de raconter des histoires, quand c'est pour en avoir le double en retour ! On devrait créer un cercle...
    17
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    J'l'on point vu...
    18
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    Ouaip, à l'occasion... C'est Salma Hayek qui te fait penser à ma prof d'anglais pourrite ?
    19
    gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:39
    gudule
    Tttttt... C'est convenable, ça, comme film ?
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