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CONTES À VOMIR DEBOUT 13
Reality-show
Petit Pierre, plongé dans le programme télé, fait un bond de joie.
— Maman, maman, t'as vu ce qu'il y a, ce soir, sur la 8ème chaîne ?
— Exécution sommaire en banlieue, lit la mère par-dessus son épaule. Mais ils l'ont déjà passé la semaine dernière !
— Non, c'était Missiles au pays des mille et une nuits.
— Pas du tout, Missiles au pays des mille et une nuits, je m'en souviens très bien : j’ai pleuré devant la scène de la Bédouine qui cache ses enfants derrière elle sous les raffales de mitraillettes.
— Ah ouais, t'as raison, je confonds avec Génocide à Bucarest, quand le papi tombe de chaise roulante, et que les militaires lui écrasent le visage à coups de pompes.
La mère pousse un soupir légèrement agacé.
— Ça se ressemble tellement, toutes leurs atrocités en direct. Ils ne pourraient pas nous mettre un film sentimental, pour changer ?
— Quel genre ? intevient le père, goguenard.
— Du Truffaut, par exemple. Baisers volés, c'est quand même mieux que toute cette boucherie !
— T'es bien une femme, toi. Toujours à rêvasser. Pour moi, rien ne vaut l’athenticité, et...
Des coups sur la porte l’interrompent.
— Tiens ? Qui peut bien venir à cette heure ? Va voir, fiston.
Petit Pierre se précipite, tire le loquet. La porte, poussée de l'extérieur, s'ouvre avec violence sur un groupe armé.
— Vous avez été sélectionnés parmi des centaines de candidats pour être les vedettes du reportage de ce soir, annonce un journaliste, en se ruant dans la pièce, caméra au poing.
Le père lance un regard sévère à son fils.
— Ça, c'est signé Petit Pierre !
L’enfant, heureux et confus à la fois :
— Y avait un bon de participation dans Télé-famille, alors, je l’ai renvoyé. Je ne pensais pas qu'on gagnerait.
La mère, qu'un homme en cagoule noire viole sauvagement :
— T'aurais au moins pu nous prévenir, j'aurais mis une culotte propre.
— Tu as de la chance qu’il y ait du monde, sinon, je t'aurais appris à prendre des initiatives ! ajoute le père.
Une balle dans les couilles le fait taire.
— J'ai le trac, je sens que je vais être en-dessous de tout, halète la mère.
Le journaliste, bon enfant :
— Mais non, soyez simplement vous-même. Tout ce que vous avez à faire, c'est souffrir au maximum. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat !
— Bien, dit la mère.
Et elle hurle.
— Aïe ! crie Petit Pierre, le ventre explosé par un tir à bout portant.
—Vas-y, fiston ! l’exhorte le père, entre deux spasmes d’agonie. Montre ce que tu as dans les tripes ! Ils vont peut-être te filmer en gros plan, comme la petite Marika de Lettonie martyre que la critique a surnommée « la nouvelle Judy Garland ». Tu as une chance unique de devenir célèbre, ne la gâche pas, surtout ! Si Exécution sommaire en blanlieue fait de l’audimat, on ne sera pas morts pour rien.
— J'ai mal, je pourrai plus tenir longtemps, pleurniche Petit Pierre, tandis que ses intestins bouillonnent sur le tapis.
— Cet enfant est ma honte, gémit la mère, prenant son violeur à témoin. Zéro en maths, une orthographe déplorable, et même pas capable de crever correctement.
— Tais-toi, tu me déconcentres, grogne l’homme en lui cassant les dents à coups de crosse.
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Commentaires
1Benoît BarvinLundi 21 Janvier 2013 à 08:37Répondre
Le film "Live", sorti en 2007 avec Eva Mendes, traite de la mort en direct par la roulette russe dans une émission de télé.
Elle est trop bien balancée, ton histoire.7guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:388guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:389guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:3810guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:38
@ Castor : depuis les années 80, y a eu pas mal de livres et de films sur le sujet. Pas étonnant, vu les orientations de la télé et autres médias du spectacle, ces trente dernières années !11guduleVendredi 29 Août 2014 à 13:38
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