• CE N'EST PAS SIGNÉ MÉMÉ GEORGETTE, MAIS C'EST TOUT COMME

           

      La nuit dernière, un souvenir est venu me hanter. Si je ne le raconte pas, je sens bien qu’il va me pourrir la vie. 

        Il y a une douzaine d’années (les dates et moi, on est fâchées), j’avais publié chez Grasset un roman intitulé « J’irai dormir au fond du puits ». Le secteur jeunesse venait d’être créé, et c’était mon premier livre dans cette prestigieuse maison d’édition. Or, voilà t’y pas que, quelques temps plus tard, Marielle Gens, la directrice, m’annonce : « Ton livre a obtenu le prix de la Société des Gens de Lettres ». Ç’aurait été le Goncourt, l’Interralié ou le Fémina, j’aurais pas été plus contente. Je ne me sentais plus pisser, dis donc ! Arrive le jour de la cérémonie, qui se déroulait dans le magnifiques hôtel de Massa. Petits fours, ronds de jambes, etc. Tout le gratin littéraire était là. J’avais mis un pantalon propre et des baskets neuves, et bu une coupe de champagne, histoire d’avoir la pêche. Vient le moment de la remise du prix et des discours. DU discours, en fait, car je compris vite que mon livre, aucun des membre du jury (une dizaine d’écrivains style académiciens, entre soixante et quatre-vingts-dix ans) ne l’avait lu. Pas même le monsieur qui s’y est collé, et qui, pendant dix bonnes minutes, a fait des jeux de mots laborieux sur mon nom. De mon roman, censé avoir été élu pour ses qualités littéraires, personne n’a pipé mot. En revanche, le staff Grasset a été encensé pour avoir, une fois de plus, fait briller haut et fort le phare éblouissant de la culture française.

        Je suis repartie, frustrée à mort, avec mon p'tit diplôme sous le bras. Et quand on m’a demandé si j’était heureuse, j’ai dit oui. Dès le lendemain, un joli bandeau rouge ornait la couverture du bouquin. Plein de gens l’ont acheté car il avait l’aval de SGDL. Et quand les droits d’auteur sont tombés, j’ai dit merci. J’allais pas, en plus, cracher dans la soupe ! 

    « Une merveilleuse critiqueAMES D'OMBRE ET RIVIÈRE BLANCHE »

  • Commentaires

    1
    Vendredi 9 Décembre 2011 à 00:54
    castor.tillon
    Pourquoi veux-tu que ces vieux messieurs l'aient lu ? A cet âge-là, on passe plus de temps à chercher le bouquin, puis ses lunettes, et enfin à se demander pourquoi on cherchait ses lunettes, qu'à parvenir à lire quoi que ce soit.
    Le vrai prix qu'on obtient, c'est les vrais lecteurs qui nous le décernent, avec des vrais compliments.
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    2
    Vendredi 9 Décembre 2011 à 10:40
    Macada
    Ce qui est fascinant chez les humains, c'est que bien qu'ils sachent qu'un joli plumage ne présage en rien du goût de la viande, cela leur demande toujours beaucoup d'efforts de s'en souvenir.
    Appliqué aux prix littéraires, ça donne : sans même parler des tractations commerciales entre éditeurs, il suffit de réfléchir 5 minutes pour comprendre que la sélection ne peut pas donner sa chance à tous les livres, que le choix final ne peut être ni représentatif, ni objectif (les goûts étant personnels et le niveau de qualité très loin d'être consensuel).
    Et pourtant, ils font super plaisir à la plupart des auteurs et la plupart des lecteurs les achètent plus facilement.
    Ceci dit, c'est vrai qu'un joli plumage peut ajouter au plaisir de manger après tout.
    3
    Vendredi 9 Décembre 2011 à 11:58
    castor.tillon
    En tous cas j'ai été voir sur les forums, les jeunes ont adoré ! Perso, j'ai une certaine méfiance vis-à-vis des prix littéraires classiques, attribués selon une politique mystérieuse, et que j'ai tendance (peut-être à tort) à classer dans les bouquins chiants. J'aime la littérature populaire, Stephen King, Brigitte Aubert, Gudule, entre autres. Lunatik a écrit un billet hilarant à ce sujet, et qui rejoint allègrement le tien :
    http://lunatikement.blogspot.com/2009/03/je-voudrais-etre-barbara-cartland.html
    Vivement Mémé Georgette ! Y a pas un fan-club ?
    4
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:51
    Gudule
    C'est pas tellement une question de compliments : ça donne surtout une idée de la valeur et de la signification des prix littéraires...
    5
    Jean-Michel Archaimb
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:51
    Jean-Michel Archaimb
    J'ai trouvé ce livre (avec le bandeau rouge) il y a quelques mois dans un Leclerc Culture local, l'ai acheté et lu... avec énormément de plaisir et quelques frissons, moins que si j'avais été ado, mais bon. C'est du grand Gudule, comme toujours !
    6
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:51
    Gudule
    Oui, ce livre, par la suite, a eu le prix des Incorruptibles, décerné par les écoles. Là, bon, pas de problème : c'était sincère. C'est le privilège des auteurs jeunesse : la plupart des prix ne sont pas de la frime honorifique mais reflètent réellement le goût des lecteurs.
    Quand ce bouquin est sorti, Jacques Chambon m'a dit : "Tu me l'aurais donné pour Présence du fantastique", je le prenais sans hésiter. Ce n'était peut-être pas un bouquin pour gosses, après tout... De toute façon, j'ai toujours mélangé les genres. C'est sans doute la raison pour laquelle Actes sud vient de me refuser "Truc". Ecrit comme un livre pour la jeunesse, (d'après eux) alors que son thème le destine aux adultes. Je pense qu'on peut dire ça de tous mes livres...
    7
    frederic
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:51
    frederic
    C'est vrai qu'aujourd'hui, le public est moins dupe de tous ces artifices grandguignolesques. Du coup, les prix genre Goncourt et autres, ça me fait un peu penser au truc du genre "élu produit de l'année" (prix bidon décerné par un organisme qui s'en met plein les fouilles à la marque qui raque le plus gros chèque. Je suis plus attentif aux prix type prix des lecteurs, qui récompensent réellement des oeuvres populaires.
    8
    Gudule
    Vendredi 29 Août 2014 à 13:51
    Gudule
    Et le pire, c'est que les auteurs se laissent encore embobiner, moi la première. Grrr (comme aurait dit Charlie Shlingo) !
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