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         Mars 2009, salon du livre de Paris. Gudule présente son petit dernier sorti chez Bragelonne : "les filles mortes se ramassent au scalpel". Petite anecdote : elle dédicace aux côtés de Terry Jones –le Monty Python–, et de Boulet, qui a illustré le livre de ce dernier. Comme on connaît notre gaffeuse, cette rencontre va faire l'objet d'un grand moment de solitude, du genre sans scalpel, mais qui se ramasse en beauté. Je vous mets le lien ici : http://gudule.eklablog.com/grands-moments-de-solitude-78-a109182332

        

         Mais c'est pas beau de se moquer. Regardons plutôt l'interview de Bragelonne (cliquez sur l'image) :

    Interview


     Castor tillon _°ↀ°

     

     


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       En mai 1982, Carali crée son journal "le petit psikopat illustré", et s'assure la collaboration de plusieurs pointures de l'époque comme Willem, Kamagurka, Edika, Gébé, Topor (pour ne citer que les premiers qui me tombent sous la main)... et notre Gudule, qui illustrait quelquefois ses textes persos. J'ai d'ailleurs choisi cet article qui présente les deux facettes de son immense talent. Le ton était à la déconnade, amusez-vous bien !

       Après quelques avatars et 33 années d'existence, le journal de Carali - renommé Psikopat - est toujours debout, en pleine forme, bravant les crises et refusant toujours la publicité, bien droit dans ses bottes (les bottes d'un canard : qu'il est con, ce Castor).

       Bon, bon, pff.

       Bref, un record de longévité pour une publication papier. Et c'est pas fini, y a pas de raison pour que ça s'arrête de déconner, avec actuellement une orientation plus politique que par le passé.

           Allez, envoyons la Gudule, avec sa jongleuse qui met le feu à l'intimité !

    Castor tillon °°

    La jongleuse

                                                     (Le petit psikopat illustré, n° 2, septembre 1982)


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       Un petit mot de Castor tillon :

     

       Quand nous travaillions, Gudule et moi, chacun à notre ordinateur, elle était installée à son petit bureau, près de la cheminée, avec son matériel à portée de main. Moi, j'étais en face, sur le canapé, le portable sur les genoux... et soudain : ping ! un e-mail tombait dans ma boîte de réception : un de ses grands moments de solitude qu'elle m'offrait en avant-première. C'était drôle, et touchant. En décembre 2014, handicapée, elle ne tapait plus ses histoires que d'une main, et pour la soulager, je me chargeais de les poster chaque jour sur le blog.

       Le soir du 27, je réceptionne le texte que vous allez lire. Une déclaration d'amour à couper le souffle, la plus émouvante qu'on m'aie jamais faite, numérotée 200 pour les "Solitudes". Tout chamboulé, je m'empresse de la copier dans un dossier Word, direction mes archives persos... en oubliant de l'ajouter au fichier en cours. Je l'ai redécouverte il y a peu, me demandant, vu son caractère personnel, s'il fallait la publier ou non. Alors qu'en fait, la question ne se posait pas : c'est un texte de Gudule, LA Gudule, estampillé "Solitudes", et je n'ai pas à l'escamoter.

       Voici donc "l'Ange-Mémoire", pour le Castor, mais aussi pour vous, lecteurs, ci-devant potes de ma princesse.

     

                                 L'Ange-Mémoire

     

            C’était mon rêve de petite fille trop seule : un compagnon de jeu, un vrai. Un qui ne m’aurait quittée ni de jour ni de nuit, partageant avec moi  les rires, les pleurs, les rêves, les silences éblouis, les envols vers l’azur  limpide,  les ardentes caresses qui aident à s’assoupir…
            Comme il lui fallait une identité, j’en fis mon ange gardien, puisque selon ma mère, le Ciel l’avait créé dans ce but exclusif : écarter de ma route obstacles et  tentations …

            Ma vie passa. Une demi-douzaine d’archanges y essaimèrent, offrant à nos couvées le nichoir de leur corps astral ; ces couvées, par la suite, prospérèrent. Puis je tombai malade. Très. Et quand je l’annonçai à mon ange gardien, plutôt que de s’enfuir comme l’eût fait n’importe quelle entité sensée, il répondit : « J’arrive ! » et ne me quitta plus. C’était un champion d’amour, un cœur offert aux quatre vents. De chambres d’hôpital en blocs opératoires, il déploya ses grandes ailes, extirpa de sa mémoire les secrets  puérils que nous y stockions depuis tant d’années et me rendit le goût d’exister. Dès lors, il ne me quitta plus ni de jour ni de nuit, partageant avec moi le rire, les pleurs, les rêves, les silences éblouis, les envols vers l’azur limpide, les ardentes caresses qui aident à s’assoupir et surtout, surtout, une proximité physique de vrais amants, loin des touche-pipi immatures.
            Détruite, j’accomplissais enfin mon désir de toujours : une fusion  totale avec un autre moi-même devant qui s’effaçait toute honte, toute pudeur, et vis-à vis duquel, en lieu et place de souvenirs stériles, ne subsistait que la confiance : celle de la jumelle envers son jumeau, celle de la chair livrée à la main qui l’empaume, celle des larmes aux lèvres qui les boivent, celle de l’écolière trop seule envers son compagnon de chaque instant.
            Par ces quelques mots, sois remercié du fond de l’âme, ô siamois cosmique : tu as réalisé mon vœu le plus cher : nous sommes nés compagnons de jeux, imbriqués l’un à l’autre dans l’utérus du firmament. Tu es et seras à jamais ma mémoire, mes mains, mes lèvres, ma voix, les mots que j’ai perdus, mes émotions enfuies, mes rires inachevés. Tu es le trésor infini d’un autre qui vous connaît et vous possède mieux que vous-même ; la face cachée de l’abîme, l’autre côté du miroir,
     Mon Ange-Mémoire, je t’aime.

     

     

     


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            Valentin Letendre : le faiseur d’anges (tome 1) et Le Spectre sans yeux (tome 2)

     

            En mai 2013, à peine arrivai-je aux Imaginales d’Epinal que la bande à Bragelonne (amis et éditeurs de longue date) m’alpague pour « me faire une proposition » : inaugurer leur nouvelle collection  fantastique pour la jeunesse. Les normes du roman sont clairement définies : il doit comporter entre deux et trois mille signes d’une fantasy de préférence historique, destinée à un lectorat de préados. Séduite par l’idée, je bâtis un synopsis qui me semble « coller » pile poil à l’esprit de l’éditeur et s’intitule Le faiseur d’anges.

             Quelques mois passent durant lesquels je harcèle sauvagement la directrice de collection.

             — Ce récit est trop désuet : nous lui préférerions la bit-lit, bien plus contemporaine, me répond-elle.

             Rien à faire, hélas ; je repars avec mon « œuvre » sous le bras et cours la proposer aux éditions Hachette qui, bien que demandeuses, ne se montrent pas plus coopératives. Par chance, ce même jour, je rencontre Jérôme B., le fondateur des éditions Armada et nous « faisons affaire ensemble ». Ainsi retrouvai-je le plaisir de travailler avec un véritable éditeur, plus intéressé par la littérature que par le  marketing (eh oui, cela existe encore, de nos jours !) Il me publiera coup sur coup, et avec le sourire ! les deux livres susdits, plus « Le Petit Cirque », un épisode du cycle arthurien enluminé d’une admirable couverture de Philippe Caza.

             — Mais pourquoi ne pas m’avoir prévenue plus tôt ? protestai-je haut et fort devant le stand Bragelonne. Si j’avais su ce que vous recherchiez exactement, ça m’aurait évité des mois de travail inutile. De plus, je déteste la bit-lit qui trahit le beau mythe gothique du vampire au profit de romances niaises entre collégiens américains.

             Depuis, nous travaillons ensemble Jérôme B. et moi, et j’ai enfin trouvé mon binôme éditorial. Comme quoi, la mode kitch venue d’outre-Atlantique,  même si elle pourrit l’univers littéraire, vous ouvre parfois les portes du pays des merveilles. Et ça, mes amis, ça, vous pouvez me croire, ça  n’a pas de prix !


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                                             Euthanasie

     

             Elles s’étaient toutes mobilisées, à l’appel d’Alphonsa Fréhel : les malades, les encore bien portantes, les handicapées, les toujours valides, les super-déglinguées, les aux trois-quart pourrites et les  moitié en vrac. Bref les pensionnaires du « Marais », maison de retraite forestière destinée aux Tarnaises d’un âge vénérable.

             — Nos petits-enfants ne sont pas de la chair à grenade, qu’elle gueulait, l’Alphonsa, en brandissant sa canne.  Mieux vaut que ce soit nous qui allions au casse-pipe plutôt que cette belle jeunesse dont nos représentants piétinent l’avenir !

             La réplique fusa, portée par la voix rauque de la grande Matriochka :

             — C’est de ta faute, aussi ! A force de gâter ton satané Thierry, voilà ce que tu en as fait : un politicard véreux qui, non content d’escroquer ses administrés, s’offre des tueurs fous aux frais de la princesse.

             Sous l’accusation (qu’en toute honnêteté, elle estimait fondée), Alphonsa baissa la tête. C’était vrai qu’en dépit d’une carrière fulgurante, son fils était resté le vilain garnement qui payait sa « milice » de petits voyous hargneux avec les chewing-gums piqués au bar-tabac de la station-service.

             Ce fut le timbre de basson de la grosse Louisette qui mit fin au débat.

             — Et le tien, de morveux, hein, l’Espingouince ? éructa-t-elle. Parlons-en un peu ! Un petit péteux  bien propre et bien coiffé, qui essayait toujours d’en remontrer aux adultes. « Je veux devenir président à la place du président ! » qu’il gueulait sur les toits. Ne viens pas nous dire qu’il n’est pour rien dans cette affaire de bavures crapuleuses, même s’il cache bien son jeu !

             Ayant rappelé ses congénères à l’ordre, Alphonsa Fréhel  les harangua comme elle savait si bien le faire :

             — Mesdames, mesdames ! Si nous agissions au lieu de nous chamailler ? N’oublions pas le but de notre mission sacrée !

             Ce dernier argument mit tout le monde d’accord et la cohorte d’éclopées s’ébranla, dans le fracas saccadé des déambulateurs. 

             Dehors, il faisait bon. C’était l’une de ces nuits d’automne au ciel tourmenté mais clément, qu’illuminait la lune, posée sur l’horizon tel un fruit duveteux dans un panier d’osier. Or cette nuit n’était pas calme comme elle aurait dû l’être, dans la tendre zone marécageuse, mais troublée par des bruits d’armes à feu, des éructations et des fracas de bottes. Par  une fuite précipitée aussi : celle d’une quinzaine de jeunes poursuivis par les hommes en armes pour quelque délit mineur.

             — Les voilà, dit Alphonsa Fréhel, en indiquant du doigt la meute en uniforme. Regardez, ils vont encore commettre des dégâts et accuser les gosses à leur place.

             Ni une ni deux, elle fit pivoter son fauteuil roulant en direction des prédateurs humains puis, parvenue à leur hauteur :

             — Thierry ! l’entendit-on appeler.

             Toutes les têtes se tournèrent dans sa direction, et en particulier celle du chef de la troupe devant lequel elle se planta :

             — Ma… maman… Mais que… ? ânonna ce dernier, médusé de surprise.

             Une paire de gifles lui coupa la parole.

             — Voilà ce que j’aurais dû faire bien plus tôt ! ajouta la vieille femme en lui abattant sa canne sur le dos. Arrête immédiatement tes imbécilités, petit con, ou je double la dose !

             Réflexe conditionné : voyant son chef aux prises avec les forces ennemies, la milice aussitôt chargea. Les vieilles aussi. Non sans avoir, au préalable corrigé d’importance qui son arrière-neveu, qui son petit-cousin, qui la chair de sa chair, qui le fruit de ses entrailles.

             Face aux fusils brandis, les ancêtres s’étaient dépoitraillées, offrant à la vue de leurs descendants les appâts surannés dont ils étaient issus. Et de les engueuler copieusement :

             — Sales gamins, galopins, galapiats, graine de voyous, petites frappes ! Et ça veut commander, ça se prend pour des hommes, et tout ce que c’est capable de faire, c’est assassiner des mioches et des grands-mères !

             — Allez-y, tirez ! hurlaient les Louisette, les Suzon, les Léonce, les Anna-Maria. Montrez votre courage ! Toi, Robert, à qui j’ai refusé un fusil de chasse pour tes 13 ans — sachant le mauvais usage que tu en ferais —, vas-y, tue-moi, venge-toi ! et toi, Louis, et toi, Marcel, et toi, André, c’est le moment ou jamais de régler vos comptes !

             Sous la pression des corps flétris qui se ruaient sauvagement vers eux, les miliciens, pris de panique, actionnèrent les gâchettes. Puis, hallucinés par l’amas de cadavres sanglants qui jonchait le sol, nombre d’entre eux éclatèrent en sanglots.

             Des « pardon mamie, pardon tata » trouèrent la nuit et, plus fort que ces cris surgis du fond de l’enfance, l’on put ouïr les meuglements de repentir de Thierry, l’élu responsable du déploiement policier, appelant sa maman tout en frottant ses côtes endolories.

              Ce fut la voix d’Alphonsa Fréhel qui mit un point final à l’atroce aventure :  

             — Mission accomplie, les filles ! On l’a eue, notre euthanasie ! Ce que nous refusait l’administration, soucieuse des lois de la république, les militaires s’en sont chargés. Illégalement, bien sûr, mais ils n’en sont pas à ça près. Nous les avons si mal élevés ! Allez, on peut partir en paix, et fières de notre mort – c’est une belle leçon posthume, je trouve. Espérons que, cette fois, elle portera ses fruits, et que nos fils indignes cesseront de saccager la nature que nous leur avons léguée, et de dégommer ceux qui la défendent !

     


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