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  • Nouvelle édition, nouveau look pour "l'envers du décor" !

    ... avec une préface de l'abbé Pierre.

     

     


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  •                                                         Baptême

     

        A Aubervilliers, toujours. Le théâtre municipal programme Raymond Devos. Nous ne pouvons pas rater ça ! Bien que dans la dèche, nous raclons les fonds de poches pour acheter deux billets. Puis, le soir venu, laissant nos gamins sous la surveillance d’une voisine, nous nous éclipsons dare-dare. Il faut arriver tôt pour avoir de bonnes places !

         Première constatation : une demi-heure avant le lever du rideau, la salle est déjà comble.

         Deuxième constatation : le premier rang est vide. Serait-il par hasard réservé aux notables ?

         Qu’à cela ne tienne, si on se fait virer, on avisera. Avec, malgré tout, une légère appréhension, nous nous glissons jusqu’à ces sièges privilégiés, littéralement collés à l’avant -scène. D’ici, nous aurons une vue imprenable sur le spectacle.

         Ça, pour être imprenable, elle est imprenable, cette vue ! Et humide aussi. Car Raymond Devos parle fort et, de ce fait, postillonne beaucoup... 

         Soyons honnêtes : ça n’a pas vraiment gâché notre plaisir. Mais un petit peu quand même. De sorte qu’à l’entracte, nous nous sommes réfugiés tout au fond de la salle, sur des strapontins séparés. Sous le regard ironique — est-il utile de le préciser ? — des autres spectateurs qui, prévoyant la douche, s’étaient mis à l’abri.

         Du coup, on n’a pas vu grand-chose de la seconde partie, mais au moins, on était au sec.     


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  •                                              Liberté surveillée

     

        Aubervilliers, 1971. Avec Olivier, âgé de trois ans, nous avions mis au point un jeu très amusant : je m’asseyais sur un banc, dans le square, et il faisait tout seul le tour du « bois » (une pelouse  de quelque vingt mètres carrés, garnie d’arbres et de massifs, auxquels le banc était adossé). Cette formidable aventure lui prenait au moins cinq minutes, car il n’allait pas vite sur ses petites jambes, et se soldait par des éclats de rire lorsqu’il surgissait de l’autre côté.

        Moi, pendant son périple, j’avais le temps de lire une demi page.

        Or, un jour, ma page se termine sans qu’Olivier réapparaisse. Je m’étonne, je l’appelle ; pas de réponse. Je pars à sa recherche ; personne sur le parcours. Affolée, j’interroge les passants.

        — Un petit garçon avec un pull rouge ? demande quelqu’un.

         — Oui, vous l’avez vu ?

         — Une dame l’a emmené.

         Je m’étrangle :

         — Où ça ?

         — Chez les flics, je pense. Elle a cru qu’il était perdu.

         Le commissariat est tout à côté. Hors d’haleine, j’y retrouve Olivier qu’on entend beugler jusque dans la rue. La police m’accueille avec suspicion, en dépit de mon évident soulagement. Voilà la mauvaise mère ! L’abandonneuse d’enfant !

         Je n’ai pu récupérer mon fils qu’après trois quarts d’heure d’interrogatoire et une déposition circonstanciée. La nuit suivante, il a fait des cauchemars. Moi aussi. La dame, en revanche, a sûrement dormi sur ses deux oreilles, avec la bonne conscience du devoir accompli. 


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  •                                                      La mort en rose* 

      

           J’ai eu très longtemps une peur bleue de la mort. Enfin, pas de la mort en elle-même, mais de ce qui lui succède, et principalement le tribunal divin. Je l’imaginais, comme sur le plafond de la chapelle Sixtine, trônant, vertigineux, au milieu des nuages. Dieu le père et Jésus Christ flanqués de leur colombe, la Vierge, les bienheureux, les saintes, les martyrs — bref, tout l’aréopage céleste au grand complet — toisaient avec sévérité chaque nouveau décédé. D’une voix de stentor, l’ange chargé des dossiers énumérait ses fautes. Puis le juge suprême l’expédiait en enfer ou, dans le meilleur des cas, au purgatoire. (Jamais au ciel, bien sûr, puisque, selon l’adage :  Le juste pèche vingt fois l’heure.)  

             Cette vision onirique m’horrifiait, surtout quand je me tripotais. Car mes scélératesses nocturnes étaient, à l’évidence,  consignées dans le Grand Registre, et l’ange-greffier me les ressortirait, en temps utile, devant tout le monde, y compris mes ancêtres. Je n’aurais su dire, de l’humiliation publique ou de son inéluctable châtiment, ce que je redoutais le plus. Les deux se confondaient en une même épouvante... 

             Je devais avoir onze ou douze ans lorsqu’une petite voisine, dont les parents étaient athées, m’affirma que « ces bondieuseries, c’était rien que des bobards de curetons à la noix ». Ses propos me choquèrent —  que dis-je ?—  m’indignèrent. Cependant, malgré moi, j’en fus ébranlée.  

             Au fil des années, mes lectures parachevèrent le travail, si bien qu’ayant perdu la foi, je pus enfin me tripoter en toute quiétude. Ce qui me donna — cela va de soi — un avant-goût du paradis.

     

            (* Ce texte est paru dans le Tome 1, p. 274) 

     


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