• Chapitre 84

     Résumé des chapitres précédents : Charlie, qui croit Nora chez sa sœur Anne, tente en vain de la joindre. Personne ne répond.

     

             « Où je vais ? se demande Nora. J'ai besoin d'un but si je ne veux pas tourner en rond jusqu'à la saint-glinglin. Y a-t-il un endroit, dans cette ville, qui m'attire ? »

             Elle réfléchit, et conclut qu'indéniablement, un endroit l'attire, un seul : Chevaleret 

             « Quoi ? Ce lieu que tu fuis depuis quarante-huit heures ? »

             Eh oui. L'âme humaine a de ces paradoxes...

             « Tu fais machine-arrière, alors ? Malgré tes bonnes résolutions, tes grands principes et tout le toutime ?

             « Que non point, je m'en donne juste l'illusion, histoire de souffler un brin. 

             « Et si tu tombes sur Charlie ?

             « Aucun danger : à cette heure-ci, il est avec ses potes. »

             La voilà donc partie. À pied.

             « Ce sera plus long et, avec un peu de chance, je me perdrai en route. Dans le meilleur des cas, j'en ai pour la journée en comptant le retour. »

             Deux heures plus tard, bon an mal an, elle parvient à destination.

             « Qu'est-ce que je fais, je monte ou pas ? Cinq étages, c'est haut, avec cette enclume dans l'estomac... Mais peut-être, sous la porte, capterai-je un peu du Bien-Aimé ? Je ne demande pas grand chose, une odeur, une trace que je flairerais avec délectation. Sur le paillasson par exemple. »

             Au ralenti, elle escalade les cinq étages.

             « Et maintenant ? »

             Elle retient son souffle, écoute jusqu'au vertige (comme prévu, pas le moindre bruit dans l'appartement) ;  s'assied sur le palier, face à cette porte dont elle n'a pas la clé, cette porte fermée sur les décombres de son bonheur.

             Un moment passe, hors-la-vie, hors-le-temps.

             Soudain, Nora sursaute et dresse l'oreille. Un pas dans l'escalier.

             «  C'est lui ! Il ne faut surtout pas qu'il me trouve ! »

             Prise de panique, elle grimpe quatre à quatre à l'étage supérieur puis, tous ses sens en éveil, guette à travers les barreaux de la rampe.

             Fausse alerte : l'intrus n'en est pas un, c'est le voisin du quatrième.

             « Bon, suffit les conneries ! J'ai compris la leçon, je me casse. Merci la trouille. »

             Elle redescend dare-dare, mais parvenue en bas, remonte. Fouille dans ses poches. Trouve un stylo, un vieux Kleenex. Et avec l'un griffonne sur l'autre : Ne te bile pas pour moi mon chéri c'est bon la liberté je t'aime. Puis elle fait une torchette du papier, le glisse dans la serrure et s'enfuit pour de bon. 

                                                                                                                     (A suivre)                                                                                                                                                    


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  • Chapitre 83

    Résumé des chapitre précédents : le récit poignant d’Yvette, c’est plus que n’en peut supporter Nora. Sous un prétexte bidon, elle la plante là et se casse. Elle a bien assez de ses propres problèmes pour endosser, en plus, ceux d’une octogénaire retombée en enfance !

     

             Au même moment, ailleurs dans Paris.

             — Tu me passes ton portable ? dit Charlie à Boris. J'ai oublié le mien à Auxerre et faut que j'appelle Nora.

             — Encore ? Tu as déjà essayé il y a une heure !

             — Ça ne répond pas chez ma belle-sœur. Ils travaillent en journée, et ma femme est sûrement  en balade ou au cinoche. J'attends qu'elle rentre.

             — Laisse-la vivre, cette petite !

             — Évidemment, je la laisse vivre, mais tout de même, j'aimerais avoir de ses nouvelles. On ne s'est pas vus depuis deux jours.

             — La belle affaire ! Et alors ?

             — C'est deux jours de trop.

             Geste d'impatience :

             — Téléphone le soir, quand ils sont tous là ! 

             — Hier, j'étais en coulisses et, comme un imbécile, j'ai laissé passer l'heure. Avant-hier, pareil. Elle doit être furieuse. Ou dingue d'inquiétude. 

             — Ah, ces couples... T'as qu'à laisser mon numéro sur le répondeur pour qu'elle te rappelle.

             — Je peux ?

             — Puisque je te le propose... T'es du genre à te noyer dans un verre d'eau, toi, non ?

                                                                                                                                                (A suivre)


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