• ... qui n'auraient pas la patience — ou le temps — de lire au jour le jour "Folle d'amour", le feuilleton quotidien qui paraît sur ce blog, peuvent le trouver en livre sous le titre "Du moment que ce n'est pas sexuel", aux éditions Mic-Mac. Mais il y a forcément moins de suspense...

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  • Chapitre 12

     Résumé des chapitres précédents : Il semblerait que Boris s’intéresse à Charlie, professionnellement. Une nouvelle carrière s’ouvre-t-elle pour le clown ?

     

             — V'là le facteur !

             Du courrier. Une lettre.

             — De Paris, signale Nora en vérifiant le tampon.

             Charlie se précipite. C'est Boris.

             Le Maître a progressé, il s'est récupéré deux compères bien balaises. Charlie connaît l'un d'eux, Galapia, tu te souviens, Nora ? On l'a vu il y a deux ans, au festival d'Avignon. Un tout petit bonhomme, nerveux comme un écureuil, qui bafouillait des onomatopées.

             — Tu parle si je m'en souviens, on était écroulés. Un super-recrue, dis donc... Et le deuxième ?

             —  Un certain Flip, clown des banlieues. Jamais entendu causer, mais on peut faire confiance à Boris : s'il l'engage, c'est que c'est un bon.

             — Qu'est-ce qu'il dit d'autre ?

             — Il veut nous réunir tous les quatre, chez lui.

             Le poul de Nora s'accélère.

             — Quand ça ?

             — Une première prise de contact est prévue samedi soir.

             — Dans quatre jours ? Wahou !

             — Ta sœur pourra nous héberger ?

             — Je l'appelle tout de suite.

             Ils n'ont pas le téléphone — si, si, ça existe encore. Ni portable, ni fixe : les cabines de la Poste ne sont pas faites pour les chiens.

             — Tu te rends compte ? répète Nora tandis qu'ils se hâtent vers le village. C'est la chance de ta vie ! Après toutes ces années...

             Elle est belle, transfigurée d'excitation. Charlie l'attrape par la taille, lui fourre son nez contre l'oreille. Elle se dégage en riant. Il l'attirerait bien dans un pré, s'il s'écoutait — celui qu'ils longent, tiens, justement. Elle s'indigne :

             — Tu ne pense qu'à ça, ma parole ! 

              Il avoue que oui, amour fou oblige. Mais la Poste est en vue.

             L'instant d'après, ils se tassent dans la cabine.

                                                                                                                     (A suivre)


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  • Chapitre 11

      Résumé des chapitres précédents : leur rencontre avec Boris va-t-elle bouleveser l’immuable train-train de Nora et Charlie ? On dirait bien que oui...

     

             — C'est quoi, cette histoire de Paris ?

             Ah, elle a tout de même entendu, hier, malgré sa fatigue. Charlie sourit. Bonjour la Nora-du-réveil, ébouriffée, sentant le chaud !

              Elle s'étire, bâille sans mettre la main devant la bouche. Le sommeil lui a fait la babine carnassière. Il refoule une pressante envie d'y goûter.

             — Alors, s'impatiente-t-elle, c'est quoi ?

             Il jubile, les lèvres pincées sur un fou-rire naissant.

             — Accouche, merde !

             — OK, OK... Boris en a marre des one man show, il projette de créer une troupe avec trois ou quatre bonshommes bien au point. Des mecs doués qui n'ont pas peur du corrosif.

             — T'as tes chances ?

             Il semblerait. Le Maître lui a laissé entendre que.

             — Au poil ! exulte Nora.

             Elle tend les bras, ronronne :

             — On part bientôt ?

             Un baiser lui clot le bec.

             Jusqu'au soir, il n'est question que de ça. Nora rêve tout haut comme elle sait si bien le faire.

             — Tu imagines sur quoi vous pouvez déboucher, en vous associant ? Lui avec sa notoriété, son professionnalisme, toi avec ta Germaine, ton poney, tes instruments de musique déments... Putain, j'en ai le frisson ! Ça va rameuter les foules, mon lapin ! À nous la gloire, le triomphe, le fric ! L'immortalité !

             — Tout doux, la tempère Charlie, plus pragmatique — mais buvant néanmoins du petit-lait —, on n'y est pas encore ! C'est peut-être une proposition en l'air, va savoir ? Tu finirais par nous porter la poisse, à force !

             Elle lui rit sur la bouche. Il répond par l'un de ces jeux de main jeux de vilain dont il a le secret. Tant de projets leur mettent le feu aux poudres. Culbutés l'un contre l'autre, ils célèbrent l'avenir avec enthousiasme, puis, après un court entracte, se découvrent prêts à recommencer. Ce qu'ils font, et ainsi de suite, jusqu'à complète extinction des feux.

                                                                                                                              (A suivre)


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  • http://www.mythologica.net/memoires-dune-aveugle-anne-duguel/

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  • Chapitre 10

      Résumé des chapitres précédents : Après la prestation éblouissante de Boris, Charlie et Nora vont le voir dans sa loge.

     

             Boris n'a pas la grosse tête, malgré son succès (ou alors, il joue la comédie, ce qui, dans son cas, ne serait que moyennement surprenant). Charlie semble le brancher. Lorsqu'ils se séparent, satisfaits l'un de l'autre, il est deux heures du mat' et Nora somnole sur un coin de table. À force de s'effacer, elle a fini par disparaître en elle-même, tout au fond.

             Et rêve.

             De l'accident.

             Son cauchemar recurrent depuis bientôt vingt ans. Ce choc rouge l'explosant de la tête aux pieds, cette stridence de fin du monde. Ce lac de lave. Dont elle avait émergé, après un coma de cinq jours, prisonnière d'une carapace de plâtre.

             S'il est des degrés dans l'horreur, celui-là tient le haut du pavé. Jaillir du néant pour se retrouver prise au piège dans le corps d'une statue est l'expérience la plus atroce qui soit. Nora avait hurlé, hurlé, à s'en péter les cordes vocales, ce qui s'était traduit, dans la réalité, par un faible gémissement. Les grandes terreurs sont muettes ou presque.

             Charlie était à son chevet. Il avait posé la main sur la sienne qui seule émergeait, souple et vivante, de la gangue minérale. Une main d'enfant pas très propre, aux doigts froids. Nora s'y était agrippée. Avait cisaillé la chair de ses ongles. Charlie, les phalanges à vif, était resté stoïque. Le sourire figé, les yeux pleins de larmes, il s'était contenté de chuchoter son nom.

             — Nora... chuchote Charlie.

             — Mmmm...

             — Allez, viens, on rentre !

             En zombi, elle gagne la voiture, se laisse tomber sur le siège, s'enroule autour d'elle-même pour préserver un semblant de confort, et resombre.

             La 4L démarre, sort d'Auxerre, prend la direction du village. Une chape d'obscurité écrase les champs. Le double faisceau des phares dissipe avec peine la lourde nuit rurale. Au volant, Charlie, tout guilleret, sifflote.

             — T'as passé une bonne soirée ? bredouille Nora entre deux bâillements.

             — Excellente ! Ça te dirait de monter à Paris un de ces quatre ?

             Elle n'en sait rien, elle pionce.

             Il la regarde, sent une tendresse sourdre en lui. Elle a dû s'emmerder, pauvre choute. On en reparlera demain. Dans un instant, ils seront arrivés. Il la sortira tout doucement de la voiture, la guidera jusqu'à leur chambre, la déshabillera. La mettra au lit avec des gestes de quasi-mère. S'en souviendra-t-elle au réveil ? Sûrement non. Ni du baiser qu'il aura chastement posé sur ses paupières. Ni de ce formidable contentement qui l'habite, lui, et  qu'il savourera par petites goulées, couché à côté d'elle, insomniaque et hilare.

                                                                                                                                 (A suivre)


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