• Toute vérité n’est pas bonne à dire

              J’étais au téléphone avec une copine quand, soudain, qui vois-je passer dans le couloir ? Le rat de Mélanie, tractant une barbe-à-papa dix fois grosse comme lui. Son but : amener cette friandise, piquée dans la cuisine, jusqu’à sa cage, à l’autre bout de l’appartement. Le spectacle est d’autant plus fendard que la « proie » fond entre ses dents et lui échappe sans cesse — chose qui, à l’évidence, dépasse son entendement.

             En m’entendant pouffer alors qu’elle se lamente sur ses problèmes de couple, la copine, offusquée, s’enquiert :

             —Tu trouves ça drôle que je sois en train de me faire larguer ?

             — Non, non, ce n’est pas à cause de ça que je ris, protestai-je, toute confuse.

             — C’est pour quoi, alors ?

             — Ben... un rat qui déménage de la barbe-à-papa...

             — Et tu te fous de moi, en plus !

             Sans me laisser le temps de lui expliquer, elle raccroche. Elle divorcera trois mois plus tard.

     


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  •   Episode 105

             Résumé des chapitres précédents : Zoé et Branquenstein ont retrouvé Chouchou parmi les mendiants du caravensérail.

     

             Ils louèrent une chambre pour quelques piastres, et s’y enfermèrent à l’abri des regards. Ainsi, tandis que Branquenstein couvrait Dora de baisers, Chouchou put-il narrer par gestes son calvaire : la perte de sa barbe, l’horreur de ses kidnappeurs devant son apparence, leur violence à son égard. Laissé pour mort dans le désert, il avait néanmoins fini, au terme d’une marche harassante, par rejoindre la civilisation — et y susciter cris d’effroi, crachats, jets de pierre...

             — Bah, nous t’avons retrouvé, c’est l’essentiel, s’exclama Zoé, interrompant la tragique pantomime (qui commençait à la gonfler). Il ne nous reste plus qu’à rentrer chez nous.

             Branquenstein, occupé à lécher les doigts de Dora, approuva en silence.

             — Vous allez vous choper des maladies, à force ! remarqua Zoé d’un air dégoûté. Lavez-la, au moins, avant de lui baver dessus ! 

             Le conseil était bon car Chouchou puait. Le resurrectologue le suivit à la lettre, bien que la douche de l’hôtel fût rudimentaire et coulât goutte à goutte.

             — Pendant que vous barbottez, je vais essayer de nous trouver des habits propres, lança Zoé.

             La chose fut aisée. Les fontes du chameau, garé devant le portail, regorgeaient de tissus de toute sorte. La jeune femme y préleva quelques robes, quelques voiles, et s’empressa de rejoindre ses compagnons.

             — C’est quoi, ces déguisements à la mords-moi-le-nœud ? s’étrangla Branquenstein quand elle les lui montra. On dirait des tenues de music-hall !

             — Monique et ses copains ont dû intercepter une caravane de danseuses de Bollywood, supposa Zoé. Mais c’est tout ce qu’on a, il faudra bien s’en contenter.

             — Je préfère encore garder mes habits sales. Au moins, ils sont virils !

             — A votre aise, docteur. Mais Chouchou et moi, on va se faire belles pour aller prendre l’avion à Doha, hein, Chouchou !

                                                                                                                                    (A suivre)


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  • Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny...

            J’eus, dans ma folle jeunesse, un petit ami qui fantasmait sur le bondage. Perso, je n’éprouvais (et n’éprouve toujours pas) la moindre attirance pour ce folklore macabre, mais, étant d'une nature  complaisante, je décidai un jour de combler ses désirs. J’achetai (très cher !) une guêpière en simili-cuir noir, des cuissardes, et quelques accessoires d’un goût exquis, du style fouet, menottes, collier de chien, etc. Quand je les lui offris, il en pleura de joie. C’était un bon début.

             La suite fut moins réjouissante car, une fois déguisée, il fallut passer aux travaux pratiques. Et là... Une telle détresse me saisit devant l’image de moi que me renvoyait le miroir, que je perdis soudain toute ma motivation. Je repoussai le jeune homme, le traitai de malade, enfilai mon manteau sur ma tenue sexy et me barrai dare-dare.

             L’histoire eut pu s’arrêter là, mais ce serait compter sans le piège des sentiments. Au bout de quelques jours, ma rancœur se mua en regret. Qu’est-ce qui m’avait pris de réagir de la sorte ? Le pauvre garçon ne faisait rien de mal ; il voulait juste concrétiser ses rêves. Mettre en scène son petit théâtre intime, avec moi en vedette. C’était plutôt flatteur ! Fallait-il que je sois gourde pour avoir pris la mouche !

             Bref, je décidai de rattraper le coup. Vêtue de la guêpière et des bottes à talons, je me rendis chez lui sans l’avoir prévenu. Je sonnai à la porte, et quand celle-ci s’ouvrit, j’écartai largement les pans de mon manteau en m’écriant : « Surprise ! »

             La dame, en face de moi, poussa un cri de stupeur, auquel mon « oh, pardon ! » bredouillant fit écho.

             — Si c’est pour mon fils que vous venez, il n’est pas là,  lança-t-elle d’un ton sec, en me claquant la porte au nez.

             Ce fut mon ultime tentative SM.

     


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  • Episode 104

             Résumé des chapitres précédents : Nos héros, déguisés en marchands, pénètrent dans la cité du désert.

     

             Une foule bigarrée se bousculait dans les petites rues de la médina. Zoé et Branquenstein se laissèrent emporter par le flot, d’échoppe en échoppe, jusqu’au grand caravensérail qui s’élevait au cœur du souk.

             — Je me rafraîchirais bien un brin, dit Zoé, en zyeutant, par le portail entrouvert, le patio verdoyant où gazouillait une fontaine.

             — Bonne idée, approuva le resurrectologue qui suait à grosses gouttes sous son kefieh de coton blanc.

             Après les fatigues de la route, l’endroit leur parut divinement accueillant.

             Autour d’un bassin carrelé de mosaïque bleue et abrité par des dattiers, étaient accroupis quelques mendiants qui, à leur approche, se mirent à geindre en demandant une petite pièce. Tandis que Zoé fouillait ses poches, elle entendit son compagnon mugir :

             — Mais lâchez-moi, voyons ! Qu’est-ce qui vous prend ?

             L’un des pauvres hères avait agrippé le bas de sa djellaba.

             — Pas de panique, dit-elle. Je m’en occupe.

             Elle saisit la main du mendiant pour tenter de lui faire lâcher prise, et poussa un cri étouffé :

             — Mais...

             Les doigts étaient soigneusement manucurés, les ongles limés et couleur rubis.

             Comme le visage du (ou de la) propriétaire de cette main disparaissait sous un tissu crasseux, elle l’arracha d’un geste prompt. Apparut alors un hideux visage.

             — Chouchou ! Que fais-tu là ? Où sont ta barbe et tes lunettes ? 

             À la vue de la face couturée de Chouchou, un vent d’effroi balaya le patio. Les plus proches mendiants s’enfuirent en glapissant, d’autres rampèrent jusqu’aux fourrés où ils restèrent, tapis, à réciter des oraisons. Zoé crut discerner le mot « démon », qui revenait sans cesse dans leur baragouin. Retirant son foulard, elle en couvrit promptement la créature de Banquenstein avant de l’entraîner vers l’intérieur des bâtiments...

                                                                                                                                     (A suivre)

     

     

     

     


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