•  

    Episode 108

             Baba-Akrout, le gérant de l’émirat, veut acheter Zoé et Chouchou à Branquenstein, contre son poids en diamants. C’est bien payé, je trouve !

     

             Ce fut promptement fait, et sans bavures. Avant d’avoir compris ce qui lui arrivait, Branquenstein repartit avec ses quatre-vingts kilos de pierrres précieuses.

             — Une bonne chose de faite, se réjouit Baba-Akrout.

             — En êtes vous sûr ? fit remarquer Zoé. Vous n’avez même pas regardé nos visages. Si ça se trouve, on ne vous plaira pas.

             Elle imaginait sa tête en découvrant celle de Chouchou !

             — Je ne les verrai jamais, car vous n’êtes pas pour moi, répondit le gérant.

             — Ah ? Pour qui, alors ?

             — Sa Sublissime Grandeur notre émir bien-aimé, dont c’est demain l’anniversaire. 

             «  Bon sang, mais c’est bien sûr ! » pensa Zoé. Et, finement, elle remarqua :

             — Insinueriez-vous que nous sommes des cadeaux ?

             — Et comment ! Et déjà emballés, en plus ! Si vous saviez combien je suis content de vous avoir trouvées : il n’y a plus une femme consommable, dans ce pays. Ibn-el-Zarzour les a toutes épousées. Deux petites nouvelle toutes pimpantes et toutes fraîches, ce sera pour lui une surprise adorable !

             «  Il va pas être déçu » se dit encore Zoé, tout en hochant la tête avec circonspection.

             L’instant d’après, on les introduisait dans le harems de Sa Sublissime Grandeur. Un harem surpeuplé, je précise. De créatures plus belle les unes que les autres et, en l’absence d’hommes, adorablement dénudées.

             Toutes se ruèrent sur les arrivantes pour les assaillir de questions rieuses :

             — Comment vous vous appelez ?

             — D’où venez-vous ?

             — Vous être françaises ?

             — Vous faites des trucs particuliers ? Ibnou chéri fantasme sur les plans exotiques !

             Zoé, qui s’efforçait tant bien que mal de satisfaire leur curiosité, se tourna vers Chouchou pour le prendre à témoin.

             Enfer et damnation : il avait disparu !

                                                                                              (A suivre)

     

     


    4 commentaires
  •  

    Grève de la faim

             Une petite Solitude pas marrante du tout. Il en faut. En août 1996, des sans-papiers retranchés dans l’église St Bernard, à Paris, défiaient les forces de l’ordre chargées de les expulser. À l’intérieur, outre les mères et les enfants, plusieurs grévistes de la faim ; dehors, un certain nombre de sympathisants (dont Sylvain et moi) prêts à intervenir en cas d’assaut des CRS.

             Or, en raison du week-end, cet assaut se faisait attendre. Nous campions donc avec nos camarades — parmi lesquels plusieurs célébrités, rappelez-vous : Marina Vlady, Emmanuelle Béart, le professeur Jacquard...— autour du bâtiment, guettant l’inéluctable. Or, malgré notre angoisse et notre indignation, au bout de vingt-quatre heures quasiment sans manger, nous avions tous la dalle. Laissant Sylvain sur place, je file acheter des sandwichs à boulangerie la plus proche.

             Soudain, tandis que je distribue mes baguettes au jambon, un amas de vieux sacs de couchage se soulève et une tête furibonde en jaillit.

             — Non mais ça va pas ? me hurle en pleine face un jeune homme aux cheveux longs. Vous pourriez respecter ma grève de la faim, quand même !

             Oups, pardon ! J’ignorais qu’il y avait aussi des grévistes sur le parvis...

             Ça nous a coupé l’appétit.

     

     


    7 commentaires
  • Episode 107

             Suite au ramdam causé par Zoé et Chouchou, objets de concupiscence d’une foule en délire, nos amis sont emmenés au palais de l’émir par les forces de police.

     

             L’endroit valait le coup d’œil. Une sorte de Taj-Mahal, en plus luxueux, entouré d’un parc magnifique où gazelles et colombes vivaient en liberté.

             — Que c’est beau ! s’émerveillait Zoé. A côté de ça, les jardins du palais de Versailles font figure de square de banlieue !

             Comme ils pénétraient dans la grande cour, une escouade de domestiques en habits folkloriques (turbans, pantalons bouffants, babouches recourbées) leur fit une haie d’honneur, au terme de laquelle un homme majestueux s’avança vers eux avec bienveillance.

             — Je suis Baba-Akrout, le gérant de l’émirat, dit-il à Brankenstein dans un français châtié. Et je voudrais t’acheter tes femmes...

             Peu au fait des coutumes locales, le résurrectologue en demeura pantois.

             — Elles... elles ne sont pas à vendre.., fut tout ce qu’il trouva à répondre.

             — Tu as tort, je t’en aurais donné un bon prix.

             — Merci mais je... je ne suis pas intéressé.

             — Dans ce cas, ce sera le pal. Bourreau !

             Un colosse au faciès de brute, vêtu de rouge sang, apparut aussitôt.

             — Oui, Votre Grâce ? 

             —Psssht, toi, à la niche ! lui intima Zoé qui flairait l’embrouille à plein nez.

             Puis, s’adressant au gérant :

             — Notre époux plaisante, assura-t-elle. Il est flatté de l’intérêt que vous nous portez, et considère comme un honneur de nous céder à un maître tel que vous.

             — Voilà qui est mieux, s’épanouit Baba-Akrout.

             D’un geste, il congédia la brute.

             — Et combien veux-tu de ton cheptel ? ajouta-t-il, à l’intention de Branquenstein.

             — Votre prix sera le sien, intervint à nouveau Zoé.

             —Très bien, alors le tarif habituel : son poids en diamants !

                                                                                                                           (A suivre)

     


    21 commentaires
  • La peur au ventre

             Oncle Louis, officier de carrière à la retraite, faisait montre envers sa famille d’une autorité quasi-militaire. Toute rebellion était sévèrement réprimée. Or, pour une raison que je ne m’explique pas, ce foudre de guerre estimait le chewing-gum mauvais pour la santé, et m'interdisait formellement d'en consommer. Mais outre le fait qu’elles ne coûtaient que trois centimes chez l’épicière, les succulentes plaques roses s’agrémentaient de photos d’acteurs, très en vogue chez mes amis du Thier-à-Liège. Comment, dès lors, ne pas désobéir ? 

             Un jour où je mâchonnais tranquillement le fruit défendu, qui aperçois-je, venant vers nous ? Oncle Louis — censé être absent toute la journée. Prise de panique, j’avale aussitôt l’objet du délit, puis, l’âme en paix, je lui souris. Il me passe distraitement la main dans les cheveux et poursuit son chemin. 

             — T’es complètement zinzin ! s’écrie ma copine Josiane, qui a suivi la scène avec effarement. Tu ne sais pas que le chewing-gum, ça colle les boyaux ?

             Horrifiée par cette révélation, je rentre la maison en me tenant le ventre. Car j’ai réellement mal ! Le collage de boyaux, c’est affreusement douloureux !

             Entre deux catastrophes, il faut choisir la moindre. Plutôt que de mourir dans d’atroces souffrances, je préfère encore avouer mon forfait à Tantine. A mon grand étonnement, au lieu de s’inquiéter, voire d’appeler le docteur, elle me demande en riant :         

             — Qui t’a raconté ces foutaises ? 

             Eh bien, vous me croirez si vous voulez, mais comme par magie, le mal s’est arrêté !

            


    12 commentaires
  • Episode 106

            Résumé des chapitres précédents : Afin de regagner discrètement Goha, Zoé et Chouchou s’habillent en danseuses de Bollywood.

     

             Bon, question mauvais goût, ça valait son pesant de pistaches. En revanche, qui eût pu deviner que sous cette défroque rutilante, éminemment sexy et super-kitch, se cachait un monstre fait de bouts de cadavres ?

             — Là, je dois dire..., reconnut Branquenstein en se grattant la tête.

             Dora, couverte de bijoux tocs et dénudée jusqu’à l’épaule, émergeait d’un amas de corsages, jupes, jupons et châles en lamés or. Le bras gauche de Chouchou, en revanche, était pudiquement couvert, ainsi que le reste du corps. Sa tête et son visage disparaissaient sous un voile rose fluo — hormis les yeux, outrageusement maquillés.

             — Une vraie Shéhérazade, s’attendrit Zoé, assez satisfaite de son œuvre.

             Sa propre allure, d’ailleurs, était à l’unisson.

             — Si, avec ça, on ne fait pas tourner la tête à tous les mâles de la région, je n’y comprends plus rien, plaisanta-t-elle.

             Elle ne croyait pas si bien dire. L’effervescence virile dépassa, et de loin, ses espoirs les plus fous. A peine sorties du caravensérail, les deux mousmées furent assaillies par les regards lubriques de la gent masculine, et des propos salaces — que la pudeur la plus élémentaire m’interdit de transcrire ici — fusèrent dans leur direction.

             Cela frisa l’émeute.

             Chouchou, épouvanté, se recroquevillait contre sa compagne, tandis que Branquenstein écartait la foule avec des « Voyons, messieurs ! Un peu de tenue ! » auxquels nul ne prêtait l’oreille. En revanche, le bruit, qui allait crescendo, attira l’attention de la maréchaussée. Une demi-douzaine de flics surarmés rappliquèrent et, ni une ni deux, embarquèrent les fauteurs de trouble avant de disperser l’assistance à coups de crosse.

             — Où nous emmenez-vous ? s’enquit Zoé, désarçonnée par la tournure des événements.

             La réponse tomba, telle un couperet :

             — Au palais de Sa Grandeur Parfumée l’émir Ibn-el-Zarzour.

                                                                                                                                 (A suivre)

     

     

     


    2 commentaires