• Episode 119

              Résumé des chapitres précédents : Délaissant le squelette du resurrectologue, la chorale de divas encerle à présent Zoé dans une ronde infernale.

     

             « Bordel, pensa Zoé en se bouchant les oreilles, c’est pas le Requiem de Mozart qu’elles sont en train de me chanter, ces goules ? »

             Et, les mains en porte-voix pour couvrir les trilles de l’ADN qui tournait de plus en plus vite autour d’elle, elle hurla :

             — Pourquoi avez-vous tué Branquenstein ?

             — Pour lui éviter de partager nos diamants avec vouuus, répondit le chœur, sur l’air du Miserere nobis.

             — Mais... il n’en avait pas l’intention, vous l’avez entendu comme moi !

             — On le connaît, il aurait fini par craquer, craquer, craquer, lança le contre-alto.

             — Il est mort en plein bonheur et continue à vivre en nouuus, reprit le chœur, en accélérant sa ronde tourbillonnante.

             — Vous... vous l’avez mangé ? s’étrangla Zoé, qui luttait de toutes ses forces contre le vertige.

             Les voix prirent de l’ampleur, et, dans une apothéose proprement éblouissante, clamèrent :

             — Ce connard s’est trompé sur notre identitééé. Nous ne sommes pas l’Amicale des Divas Nécrophiles, mais l’Association des Divas Nécrophages, nuaaance ! Tout le monde se plante toujours, avec ces foutues, foutues, foutues abréviatiooons !

             Un rire-vocalise ponctua cette affirmation — ma foi, fort judicieuse et finement observée ­­­— puis, d’un seul élan,  les divas plongèrent sur notre héroïne, dans le but évident de lui faire subir un sort identique à celui du résurrectologue.

             Elle ne dut son salut qu’à une fuite précipitée.

                                                                                                                   (A suivre)

     

     

     


    11 commentaires
  • Kiki

               On a commencé par le faire couper. Tous les vétérinaires vous le diront : qui aime bien châtre bien. La reproduction, faut laisser ça aux éleveurs. Un chien en possession de ses coucougnettes est neuf fois sur dix une pauvre bête mal soignée, victime de l’inconscience d'un maître irresponsable. C'est écrit dans les magazines pour amis des animaux.

                Nous, Kiki, on y tenait comme à la prunelle de nos yeux : il nous avait coûté la peau des fesses. Forcément, Jeanine voulait un pure race. Son pedigree trônait dans le salon, au-dessus de la télé, à côté du certificat d'études de Jean-Marc.

                Au début, tout allait bien. Les gosses en raffolaient, ma femme le chouchoutait, et moi je lui apprenais à faire le beau. Le seul problème, c’étaient ses aboiements. Ils nous énervaient tellement qu'on a failli s'en séparer. Plutôt que d’en arriver à cette extrémité, le véto nous a conseillé l’ablation des corde vocales. L’opération n'était pas donnée, mais quand on aime, on ne compte pas.

                Nous commencions tout juste à jouir de son silence quand un autre problème a surgi. Lorsqu'on n'a pas de jardin, les promenades hygiéniques s’avèrent indispensables. Les premiers temps, les gosses se disputaient pour le sortir, mais bien vite, c'est devenu une véritable corvée. Et les pipis se sont multipliés sur la moquette...

              Cette situation ne pouvait pas durer : Jeanine frisait la dépression nerveuse.

                Vous connaissez les laboratoires « Jolitoutou » (mais si, vous savez, ces excellents produits qu'on ne trouve qu'en pharmacie) ? Ils ont mis au point une pilule qui contient tous les éléments nutritifs indispensables à la santé du chien. Grâce à cette merveille, la petite bête n'a plus besoin ni de manger ni de boire. Son système digestif s’atrophie et, en conséquence, elle ne chie et ne pisse plus Un progrès appréciable, surtout pour les habitants des grandes villes. Bien sûr, ce n'est pas très économique, mais le confort qui en résulte justifie largement le sacrifice, vous pouvez me croire !

                Kiki était devenu un chien presque parfait. Une seule chose nous dérangeait encore, mais on y a vite remédié. Il avait une fâcheuse tendance à nous sauter dans les jambes à des moments inopportuns. Par bonheur — nouveau miracle de la Recherche  — il existe un remède à cet inconvénient. Tous les trois mois, le vétérinaire fait à Kiki une petite piqûre qui le paralyse du bout du museau à la pointe de la queue. C'est pour ça que vous le voyez immobile sur la cheminée. On peut même choisir sa position. Nous, on l'a fait mettre à l'arrêt, la truffe pointée, la patte levée, comme un vrai limier. Sympa, non ?

                Comment ? Que dites-vous ? Autant avoir un animal empaillé ? Ça va pas, la tête ? Vous voudriez que je mette un cadavre chez moi ?

                Sachez, mon vieux, que rien n'est comparable à la vie. La vie, ce miracle sublime… Touchez-le, ce chien, il est chaud. Son poil est soyeux, dans ses veines coule un sang bien rouge, son petit cœur bat. Et vous osez me comparer ça à la froide rigidité d'une bête morte ?

                Et puis, ses yeux, regardez ses yeux ! Ils nous suivent, ils sont remplis d'amour. Chaque fois que je les regarde, j'en ai les larmes qui montent.

                Franchement, les animaux sont vraiment une grande source de joie, pour qui sait les aimer, hein, mon Kiki !

     


    8 commentaires
  • Jean-Michel Archaimbault a retrouvé ça : un article paru dans Télérama juste avant l'an 2000. Sapristi, comme le temps passe, aurait dit ma mère...

    Merci, Jean-Michel !

    406061_10151958990099237_1598037656_n.jpg


    3 commentaires
  • Episode 118

             Résumé des chapitres précédents : ce gros enfoiré de Branquenstein a décidé de garder pour lui le produit de la vente de Zoé et Chouchou.

     

             Ce tendre intermède permit à Zoé de recouvrer ses esprits.

             — Alors là, comme coup de pute ! explosa-t-elle. Vous êtes vraiment une immonde crevure, mon cher docteur ! Un salopard de la pire espèce ! Qui a eu l’idée de nous déguiser en danseuses, Chouchou et moi, hein ? Qui a parlementé avec Baba Akrout, vous évitant le pal de justesse ? Qui a sauvé la vie de ce pauvre Chouchou ?  Vous, peut-être ?

             Une onomatopée sortit de sous l’amas frémissant de divas, que Zoé ne sut comment interpréter. A tout hasard, elle poursuivit :

             — Qu’est-ce que vous avez fait, vous, pour les gagner, ces diamants ? Rien ! Rien de rien ! Vous vous êtes contenté de monter sur la balance et d’empocher, point barre. C’est un peu facile, merde !

             Elle éclata d’un rire grinçant.

             — Et ne venez pas me dire que cela vous a coûté votre amour ! Pauvre Dora, vous n’avez pas mis longtemps à l’oublier dans les bras de ces... de ces...

             Soixante tête furibonde se redressèrent aussitôt, la foudroyant du regard, et soixante gosiers émirent, en même temps :

             — Ces... quoi, je vous prie ?

             « Ces grues ! » pensa Zoé mais, par prudence, elle dit :

             — Ces demoiselles.

             Soixante petits sourires étirèrent cent-vingt lèvres sur trois mille cent vingt dents acérées. Puis, imperceptiblement, les divas s’éloignèrent du résurrectologue et entourèrent Zoé.

             La dernière chose que vit notre héroïne, avant que le chœur l’encercle en une ronde infernale, ce fut le cadavre de Branquenstein, dont il ne restait que les os...

                                                                                                                        (A suivre)


    6 commentaires
  •     Strip-tease  

                Vraiment, Miss Dorothy a une patience d'ange. Pas facile, avec un physique de poupée Barbie, d’enseigner l’anglais dans un bahut craignos !

                Huit jours après la rentrée, elle a déjà dû se coltiner les grossièretés d'une quinzaine de niktamères, moult branlettes sous les tables et d'incessants chahuts à connotation sexuelle. Moi qui suis plutôt bon élève, épargné par les chatouillis hormonaux et les curiosités malsaines, je la plains de tout mon cœur.

                Ce matin, c'est encore pire que d'habitude. Malik, déchaîné, martèle son bureau à coups de règle en hurlant « À poil ! ». Cédric et Yoyo dessinent des bites au tableau pendant qu’Adrien-Charles mime un coït obscène. Quant à Marcel et Jean-Louis, ils font mine de se sodomiser en poussant des cris d'animaux en rut.

                Miss Dorothy a beau s’égosiller, promettre des colles et des punitions, rien n’y fait. Alors, de guerre lasse, elle change de tactique. Posément, elle retire ses lunettes, puis déboutonne son chemisier, révélant la dentelle de son soutif à balconnet.

             Silence instantané. Les élèves n’en croient pas leur yeux. Médusés, ils se rasseyent à leur place. Malik, la bouche ouverte, laisse un filet de bave souiller le coin de ses lèvres. Yoyo a le souffle court, Cédric se ronge les ongles, Mourad se tortille comme un ver, Victor se gratte frénétiquement les couilles.

                La prof, imperturbable, baisse son pantalon sur un string couronné de poils follets.

                Des grognements bestiaux s'échappent de plusieurs gosiers. Un ventre gargouille — celui d’Adrien-Charles, je crois. Quelqu’un pète sans que personne ne rigole.

                D'un geste vif, Dorothy détache son soutien-gorge, libérant des seins lourds aux aréoles dressées.

             — Aaaaargh... gémit Yoyo en éjaculant dans son froc.

                La voici nue, face à la classe tétanisée. Elle sourit puis, voluptueusement, soulève sa chevelure. Ce mouvement lascif fait tomber sa perruque, dévoilant un crâne chauve. Un frisson glacé secoue les élèves, et leur extase se mue en épouvante quand la jeune femme, d'un geste gracieux, retire son masque.

                Dessous, ce n'est qu'une bouillie de chairs tuméfiées, gluantes, pustuleuses. Encavés au fond des orbites, deux globes oculaires veinés de rouge font des clins d'œil coquin aux spectateurs. Mourad s'évanouit, Cédric appelle sa mère, Adrien-Charles éclate en sanglots convulsifs. Jean-Louis et Marcel se serrent l'un contre l'autre en claquant des dents.

                Mais le strip-tease de la prof est loin d’être terminé. C'est dans le dos que se trouve la fermeture Éclair. Sitôt détachée, la peau satinée s'affaisse, comme un vêtement qu'on retire. Dans des relents d’égoût apparaît un magma d’organes sanguinolents.

                Moi qui garde la tête froide en toute circonstance, j'ose alors lever le doigt pour implorer, au nom de mes camarades :

             — S'il vous plait, m‘dame, rhabillez-vous. 

             — D’accord, à condition que vous vous teniez tranquilles pendant mon cours.

                Ceux qui arrivent encore à parler promettent. Les autres, occupés à vomir, se contentent d'approuver par gestes.

     

                Depuis l’explosion de la centale de Nogent, ce genre de scène se produit souvent, dans les lycées de la région parisienne. Normal : chaque établissement a l’obligation, sous peine  d’amende, d’embaucher un quota d’irradiés. Chez nous, le prof de français est gangréné jusqu'à la moëlle et celui de maths porte, en guise de main droite, une prothèse pourvue de lames de couteaux. Mais la prof d’anglais, elle, a l’air normale. Enfin, avait l’air, avant. Les corps synthétique sont tellement réussis, de nos jours...

                En tout cas, cette affaire a transformé la classe. Désormais, il suffit que Dorothy fasse mine de se désaper pour que les pires racailles se tiennent à carreau. Et, selon les sondages, c’est pareil partout. Grâce à cette nouvelle méthode pédagogique, les problèmes de délinquance, si préoccupants il y a quelques années, ont bel et bien été éradiqués.

             Et dire qu’il y a encore des cons pour oser critiquer le nucléaire ! 

     

     


    19 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires