• Conscience professionnelle

             Une éditrice, moins jeune que la précédente mais tout aussi vindicative, m’impose d’insupportables remaniements de texte.

             — Mais pourquoi faites-vous ça ? m’énervai-je. Pour vous approprier les livres que vous publiez ?

             Elle me toise avec hauteur.

             — Tttt, pour les améliorer, tout simplement. C’est dans votre intérêt que je vous corrige. Vous devriez me remercier !

             — Et si je préfère ma version à la vôtre ? 

             — On n’est pas objectif vis-à-vis de son propre travail. Croyez-moi, si j’avais été l’éditrice de Flaubert, il ne s’en serait pas tiré comme ça. Jamais je n’aurais laissé Madame Bovary sortir dans cet état. Et je suis sûre que, contrairement à vous, il m’en aurait été reconnaissant.

             Brave Gustave, va !


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               Episode 75

               Résumé des chapitres précédents : À l’arrivée de l’escadrille de bébés, des explosions de joie montent du cimetière. C’est bien réconfortant, même pour les morts !

     

             Comment rester insensible au bonheur de ces familles, en deuil quelques instants auparavant ? Nos héros, témoins de leurs retrouvailles, reniflaient et se mouchaient, en proie à une émotion, ma foi, bien légitime. Et c’est d’une voix rauque que Sire Concis déclara :

             — Mesdames et messieurs, ce jour est un grand jour pour nous tous. Car non seulement vos enfants sont vivants, mais ils se sont comportés en héros. Vous pouvez être fiers d’eux, ils viennent de sauver la terre d’un péril effroyable !

             Une ovation salua ces réconfortantes paroles, que couvrit bientôt  un concert de vagissements. Les bébés étaient fatigués et tenaient à ce que ça se sache. De sorte qu’en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, la foule se dispersa. Chaque couple embarqua son nourrisson, et ne restèrent, parmi les tombes, que nos quatre amis, épuisés mais heureux du devoir accompli.

             — Pauvre choupinet, dit Ruth, en regardant son fils avec attendrissement.

             Cédric, le pouce en bouche, s’était endormi sur une demi-douzaine de pierres tombales qu’il avait écrasées de son poids.

             — Nous devrions en faire autant, bâilla Zoé, en indiquant du doigt un petit mausolée accueillant. 

             Ils s’y glissèrent en douce. Une tripotée cercueils, posés côte à côte style dortoir, semblaient les attendre dans la crypte silencieuse. Chacun choisit le(s) sien(s), et ils s’allongèrent sur les couvercles, qui, après toutes ces aventures, leur semblaient aussi moelleux que des matelas de plumes. Trente secondes plus tard, ils dormaient à poings fermés.

             Est-ce maintenant que j’écris le mot « Fin », dites voir ?

                                                                                                                                       (A suivre)


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    manege2 La très jeune éditrice

              Il y a une vingtaine d’années, j’avais écrit pour Hachette un court roman intitulé « Le manège de l’oubli », destiné aux lecteurs de neuf ans et plus. La très jeune éditrice en charge de la collection à laquelle je le destinais, le lit, me dit : « J’adore ! » et me rend mon manuscrit férocement annoté. En gros, un mot sur deux était à modifier. Je proteste ; peine perdue. La très jeune éditrice me démontre par A+B que j’ai tort et qu’elle a raison. Elle connaît son métier, quand même !

             Bref, force m’est, la rage au cœur, de défigurer un texte que j’estimais abouti. Sale boulot, je vous assure ! Quinze jours plus tard, ayant (très mal) vécu les affres de l’auto-mutilation, je lui rapporte la version « corrigée ».

             — C’est bizarre, mais maintenant je ne l’aime plus, s’étonne-t-elle, après l’avoir relue.

             Je lui suggère de prendre la version d’origine, ce qu’elle refuse avec indignation avant de conclure :

             — Désolée, j’en ai discuté avec mes collègues : nous ne pouvons pas publier ce livre.

              En réfrénant une violente envie de l’étrangler, je flanque le manuscrit traficoté à la poubelle et, dans la foulée, j’envoie l’autre, le vrai, aux éditions Nathan. Il sortira dans la collection « Pleine Lune », admirablement illustré par François Roca, et obtiendra de nombreux prix. Dix ans plus tard, il sera repris par les éditions Lito, toujours sans la moindre modification.

             J’ai revu l’éditrice l’année dernière, dans un salon du livre. Elle avait vieilli et s’était recyclée dans l’immobilier.

     

     

      


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  • J'y serai samedi et dimanche, alors, si vous habitez dans le coin (et si le cœur vous en dit)...

    http://www.salonlivregaillac.fr/


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             Episode 74

            Résumé des chapitres précédents : Nos trois héros rentrent à Maldonjon, après leur victoire sur les extraterrestres. Les bébés géants ont bien besoin d’un petit somme ! Hélas, le chateau est réduit en cendres...

     

             — Mais... mais... que s’est-il passé, ici ? s’étrangla Sire Concis devant les ruines de ce qui avait été son foyer. (A l’évidence, il n’avait pas lu l’épisode 62.)

             Des bâtiments, du parc ne restait qu’un amas de décombres grisâtres d’où toute trace de vie avait disparu. Ce que voyant, les bébés se mirent à pleurer. Et l’on put entendre, saturant le ciel, cette plainte déchirante émise par des centaines de gorges déployées : «  Dodo... »

             — Impossible de se poser, constata Sire Concis, en rasant les cendres encore fumantes. Le sol est brûlant.

             — Qu’allons-nous faire des gosses ? gémit Ruth. Ils n’en peuvent plus.

             —N’y a-t-il pas un espace vert dans ce bled ? s’énerva Zoé. Je ne sais pas, moi, un terrain de sport, un jardin public, un stade ?

             — Non. C’est tout petit, tu sais, et à part le cimetière...

             — Va pour le cimetière, souffla Sire Concis. À gauche, toutes ! ajouta-t-il, en direction des mômes.

             Or, le cimetière était plein à craquer. Car c’était là qu’avait abouti la marche blanche, organisée une heure plus tôt par les parents des poupons, convaincus que leur progéniture avait péri dans les flammes. L’arrivée de nos amis transforma les pleurs et les grincements de dents en une explosion de joie.

             — Regardez, les voilà !

             — Ils ne sont pas morts !

             — Etienne !

             — Marcel !

             — Jean-Paul !

             — Mama !

             — Arheu !

                                                                                                                                (A suivre)


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