• Episode 72

             Résumé des chapitres précédents : Coup de théâtre : le pipi de bébé vient à bout de la pollution vivante. Enfin, Sire Concis l’affirme. Mais peut-on faire confiance à un dragon ?

             — Tu déconnes, répéta Zoé.

             — Non, non, je te jure : partout où la « pluie » les a atteints, les extraterrestres se sont dissous. Il ne reste d’eux que des flaques noirâtres, sans aucun signe de vie. Et les rescapés se carapatent avec des glapissements de chiens battus...         

             Un double regard incrédule accueillit l’invraisemblable histoire.

             — Tu... tu es sûr ? bredouilla Ruth.

             — Qu’est-ce que t’as fumé ? ajouta Zoé.

             Une telle incrédulité de la part de ses partenaires, c’était plutôt vexant pour le dragon. 

             — Grimpez sur mon dos, siffla-t-il.

             Nos deux héroïnes ne se firent pas prier, si bien que l’instant d’après, elles sillonnaient le firmament.

             — Là ! dit Sire Concis, en leur indiquant une route couverte de goudron fondu. Et là, ajouta-t-il.

             Il pointait le doigt vers une autre portion de la même route, où ce goudron était agité de spasmes pathétiques, puis, plus loin encore, se sauvait à toutes jambes. En terrain sec, je précise.

             — Nom d’un chien ! s’exclama Zoé.

             — Bigre de bougre ! fit Ruth en écho.

             — Vous me croyez, maintenant ? grinça Sire Concis.

             Et d’une voix forte, il ajouta, en direction du ciel :

             — A mon commandement... virez les couche !

             Aussitôt, l’on vit descendre des nuages, telle une neige gigantesque, des centaines de couches géantes qui s’abattirent mollement sur le paysage. Un suffocant halo d’ammoniaque s’en échappait.

             — Oh, la vaaache ! s’étrangla Zoé, tandis que ses compagnon toussaient à fendre l’âme.

             En dépit de ce léger inconvénient, le dragon prit la tête de ses troupes et, parvenu en vue de la partie vivante de la route goudronnée :

             — Un... deux... trois... Pissez ! ordonna-t-il.  

                                                                                                                                 (A suivre)


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  • Baptême

              A Aubervilliers, toujours. Le théâtre municipal programme Raymond Devos. Nous ne pouvons pas rater ça ! Bien que dans la dèche, nous raclons les fonds de poche pour acheter deux billets. Puis, le soir venu, laissant nos gamins sous la surveillance d’une voisine, nous nous éclipsons dare-dare. Il faut arriver tôt pour avoir de bonnes places.

             Première constatation : une demi-heure avant le lever de rideau, la salle est déjà comble.

             Deuxième constatation : le premier rang est vide. Serait-il par hasard réservé aux notables ?

             Qu’à cela ne tienne, si on se fait virer, on avisera. Avec tout de même une légère appréhension, nous nous glissons jusqu’à ces sièges privilégiés, littéralement collés au devant de la scène. D’ici, nous aurons une vue imprenable sur le spectacle.

             Ça, pour être imprenable, elle est imprenable, cette vue ! Et humide aussi. Car Raymond Devos parle fort et, de ce fait, postillonne beaucoup. Or, nous sommes aux premières loges... 

             Soyons honnêtes : ça n’a pas vraiment gâché notre plaisir. Mais un petit peu quand même. De sorte qu’à l’entracte, nous nous sommes réfugiés tout au fond de la salle, sur des strapontins séparés. Sous le regard ironique — est-il utile de le préciser ? — des autres spectateurs qui, prévoyant la douche, s’étaient mis à l’abri.

             Du coup, on n’a pas vu grand chose de la seconde partie, mais au moins, on était au sec ! 


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  • Episode 71

              Résumé des chapitres précédents : Ce que Ruth et Zoé on pris pour une pluie diluvienne n’était, en réalité, que le petit pipi de Cédric. Le pauvre enfant avait perdu sa couche...

     

             — Il est temps de rentrer, décréta Sire Concis. Les gosses sont fatigués. On les change vite fait, et hop, à la sieste !

             C’était, effectivement, le langage de la sagesse.

             — Et en attendant, la pollution vivante court toujours, déplora Zoé.

             — Détruisant tout sur son passage, enchaina Ruth. Mais qu’y pouvons-nous ?  Ces foutus extraterrestres résistent même à l’armement lourd...

             — Il faut nous rendre à l’évidence, soupira Sire Concis : nous avons échoué dans notre mission.

             Tout en parlant, il avait pris de la hauteur, de sorte que ses compagnes durent mettre les mains en visière pour le suivre des yeux.

             — Où est-il passé ? grogna Zoé. Je ne le vois plus.

             — Il vient de se percher sur le clocher de l’église, dit Ruth. Il regarde en bas... Mais... mais... que fait-il ? Il pique vers le sol... rase les toits... tournoie au-dessus des rues avec de grands gestes... Et le voilà qui revient à toute vitesse... Qu’a-t-il vu ?

             Le dragon était, à l’évidence, très excité.

             — Les êtres de mazout ! criait-il, hors d’haleine. Les êtres de mazout !

             — Oui, eh bien ?

             — Ils... ils...

             Une quinte de toux l’interrompit.

             — Ils... quoi ? interrogèrent Ruth et Zoé en chœur.

             — Ils sont en train de crever !

             — Tu déconnes ?

             — Du tout, nous avons trouvé l’arme absolue — enfin, Cédric l’a trouvée...

             — Et c’est... ?

             — Le pipi de bébé !

                                                                                                                   (A suivre)


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  • Une de mes nouvelles à lire à cette adresse : http://www.noosfere.com/autres-mondes/concours-2001/journal_d_un_clone.htm

    Outre sa publication initiale chez Mango, dans "Les visages de l'humain, cette nouvelle (lauréate du Grand Prix de l'Imaginaire) est également parue dans mon recueil "Le chant des lunes", aux éditions Thierry-Magnier. 


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  • La mécréante

             J’ai eu très longtemps une peur bleue de la mort. Enfin, pas de la mort en elle-même, mais de ce qui lui succède, et principalement le tribunal divin. Je l’imaginais, comme sur le plafond de la chapelle Sixtine, trônant, vertigineux, au milieu des nuages. Dieu le père et Jésus Christ flanqués de leur colombe, la Vierge, les bienheureux, les saintes, les martyrs — bref, tout l’aréopage céleste au grand complet — toisaient avec sévérité chaque nouveau décédé. D’une voix de stentor, l’ange chargé des dossiers énumérait ses fautes. Puis le juge suprême l’expédiait en enfer ou, dans le meilleur des cas, au purgatoire. (Jamais au ciel, bien sûr, puisque, selon l’adage : « Le juste pèche vingt fois l’heure ».)

             Cette vision onirique m’horrifiait, surtout quand je me tripotais. Car mes scélératesses nocturnes étaient, à l’évidence,  consignées dans le Grand Registre, et l’ange-greffier me les ressortirait en temps utile, devant tout le monde y compris mes ancêtres. Je n’aurais su dire, de l’humiliation publique ou de son inéluctable punition, ce que je redoutais le plus. Les deux se confondaient en une même épouvante...

             Je devais avoir onze ou douze ans lorsqu’une petite voisine, dont les parents étaient athées, m’affirma que « ces bondieuseries, c’était rien que des bobards de curetons ». Ses propos me choquèrent, que dis-je ? m’indignèrent. Cependant, malgré moi, j’en fus ébranlée.

             Au fil des années, mes lectures parachevèrent le travail, si bien qu’ayant perdu la foi, je pus enfin me tripoter en toute quiétude. Ce qui me donna — cela va de soi — un avant-goût du paradis !


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