• Vertige de l’humour

      Mon relieur se piquait de littérature. Durant les quelques mois où je l’avais fréquenté, il prenait plaisir à me lire ses œuvres. Elles en valaient la peine ! C’étaient de courtes piécettes d’un humour délirant, parodique et quasiment surréaliste, intitulées (entre autres) Les aventures de Loufock HolmesLe fils des trois mousquetaires, L’homme à tête d’épingle ou Le nain et les sept Blanche-Neige. Je les écoutais, morte de rire et éperdue d’admiration.

             Puis survient ma grossesse, la naissance de Frédéric et le Liban, où je fais la connaissance d’un producteur arménien, surnommé « Le Monocle », qui ambitionne de lancer le café-théâtre à Beyrouth. Dans ce but, il monte une équipe de comédiens amateurs dont nous faisons partie, Alex, Ricco et moi. Un metteur en scène français est recruté, une salle aménagée, une date d’inauguration fixée, et se pose alors cette question cruciale : qu’est-ce qu’on va jouer ?

             Les pièces citées plus haut me reviennent en mémoire. Je les mentionne à mes collègues et leur en raconte des passages, tout en restant évasive sur l’auteur. Oui, il vit en Belgique, non, il ne les a jamais publiées, et non, non, non, je ne souhaite pas entrer en contact avec lui. Tant pis. Dommage. Chapitre clos.

             Cependant, un beau soir, le metteur en scène nous annonce :

             — J’ai dégoté des petits sketches qui devraient convenir. Un peu dans le genre de ceux dont Anne nous a parlé.

             Et il brandit un livre intitulé « Pour lire sous la douche », d’un certain Pierre-Henri Cami.

             — C’est un écrivain du début du siècle, que Charlie Chaplin considérait comme le plus grand comique du monde, précise-t-il.

             Je lui pique le bouquin pour y jeter un coup d’œil, et là, le choc ! Ce sont, mot pour mot, les pièces de mon relieur. Pièces qu’il s’est contenté de recopier, histoire de m’en foutre plein la vue. Et moi, puits d’inculture, j’ai marché à fond dans la combine...

             Qu’est-ce qu’il a dû se fiche de moi, le gros enfoiré !

             Il m’a fallu une bonne heure pour me remettre. Par chance, les autres étaient trop occupés à se marrer pour s’en rendre compte. Ils ont sélectionné Le fils des trois mousquetaires, dont j’ai approuvé distraitement le choix — sans leur faire part, bien sûr, de ma découverte. Donner dans l’humour-qui-décape, d’accord à cent pour cent, mais pas dans le ridicule-qui-tue !



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  • Hier matin, Shabazz a décidé d'aller voir de près le visage de la mort. Nous sommes nombreux à penser à lui. 

     

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  • La gifle

      L’unique gifle reçue par Mélanie dans son enfance a failli lui coûter la vie.

             Nous habitions avec Sylvain rue du Chevaleret, dans les XIIIème arrondissement de Paris. Un jour, sortant tous trois de notre immeuble, nous apercevons Alex sur le trottoir d’en face. Mélanie, sept ans, hurle : « Papa ! » et, ni une ni deux, traverse sans regarder, nous arrachant un triple cri de frayeur. Tandis que son père la semonce, je les rejoins et, hors de moi, retourne une claque à l’imprudente — qui retraverse aussi sec, pour aller se faire consoler par Sylvain.

             Le coup de frein de la voiture, même si je vis cent ans, je ne l’oublierai pas...

             Ma fille a échappé de justesse à l’accident, et moi, j’ai maudit mon reflexe à la con. Moralité : quoiqu’en pensent certains parents, frapper un enfant n’est jamais anodin, et peut avoir de funestes conséquences !


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  • Darwin

       Nouvellement installée à Puycelsi, je découvre avec ravissement la terrasse du « P’tit creux », troquet sympa à la vue imprenable. Deux hommes y discutent devant un demi : un moustachu coiffé d’un bandana — qui n’est autre que le patron du lieu — et une sorte de colosse médiéval. Longs cheveux bouclés, bottes de sept lieues, toge, cape noire, le personnage est couleur locale. Je les salue d’un signe de tête et je m’assieds.

             — Qu’est-ce que je vous sers ? s’enquiert le moustachu, tandis que son interlocteur me demande aimablement :

             — Vous êtes en vacances ?

             — Non, j’habite ici depuis deux jours. Et vous ?

             — J’y réside par intermittence.

             Une vague conversation s’engage. Le moustachu revient avec mon kir, nous écoute parler, et soudain, s’adressant au colosse :

             — Je parie qu’elle ne sait même pas qui tu es ! glousse-t-il.

             Et les voilà partis tous deux d’un éclat de rire qui fait lever la tête aux autres consommateurs.

             — C’est Patrick Tort ! claironne le moustachu.

             Le nom ne me dit rien, ce qui décuple encore son hilarité.

             — Le grand spécialiste de Darwin, voyons !

             Croyant à une blague, je décide de jouer le jeu.

             — Enchantée, maître ! dis-je au colosse, sur un ton faussement mondain (et authentiquement caricatural).

             Puis je termine mon verre, je rentre chez moi, et à tout hasard, je fais une recherche sur internet. Patrick Tort est, en effet, une sommité scientifique, philosophique et littéraire de renommée mondiale. Et moi, j’ai eu l’air d’une truffe...

             Depuis, nous sommes devenus copains, Patrick et moi. Son cassoulet est délicieux ! 



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  • "Contes et légendes des elfes et des lutins" et "Contes et légendes de ogres et des géants", relookés par le talentueux François Roca. Une merveille ! Je vous laisse juges !

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